Billet
Pour ceux qui ne sont pas au fait du Jurassic Park marxiste local, la surprise vaut le détour : Hanna Gharib, le syndicaliste grognon qui avait exercé ses talents avec le succès que l’on sait à la tête du Comité de coordination syndicale, a été bombardé secrétaire général du Parti communiste libanais, une formation hâtivement dépoussiérée pour la circonstance. Au terme d’un suspense haletant, cet apparatchik du socialisme le plus calcifié directement sorti du musée a été littéralement plébiscité par les caciques du parti, encore nostalgiques des scores soviétiques. Lénine, reviens ! La chorale des lendemains chantants s’est enrichie d’une nouvelle corde vocale…
Belle réussite pour le brave Hanna, qui du temps de ses prestations syndicales avait mis au point un concept économique révolutionnaire : travailler moins pour gagner plus. Fer de lance de l’agitation dans la fonction publique, aux basques de laquelle il a solidement arrimé les enseignants dont les revendications, elles, sont légitimes, il s’était démené comme un beau diable pour tenter de faire avaler à la classe politique la nouvelle grille des salaires, destinée à engraisser surtout les feignasses privilégiées de l’administration.
L’échelle des salaires, Hanna « l’Étrange » la voulait tout de suite et d’un seul coup ; quant à son financement, il serait assuré par les réformes et la lutte contre la corruption… « à mettre en place prochainement », assurait-il en se retenant de pouffer. Autant dire à la saint-glinglin ou quand les premières dents des poules auront percé. À ce train, ce n’était plus des revendications salariales, mais une attaque à main armée.
Pour l’heure, c’est Nehmé Mahfoud qui hérite de la patate chaude. À lui de voir : continuer à traîner derrière lui le boulet de dizaines de milliers de fonctionnaires ringards et ne jamais obtenir un fifrelin, ou s’employer à faire détricoter la loi et libérer les enseignants du privé des tentacules de cet État raté. Ce qui ferait gober moins durement la pilule de l’échelle des salaires.
Et que les tenants des « droits acquis », de l’absentéisme, du café et de la sieste aux heures de production poursuivent la grève si ça leur chante. Ça ne nous changera pas beaucoup des journées travaillées où déjà ils n’en foutent pas une rame.