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Nouveaux efforts internes et diplomatiques pour un « candidat d’entente »

Sandra NOUJEIM

 

C’est un triste paysage qu’offre, au fil des séances électorales ajournées, la place de l’Étoile. Celui d’une démocratie bafouée, s’alliant à la vague de radicalisme dans la région, prétexte à toutes les dictatures.
La septième séance parlementaire consacrée à l’élection du président de la République, hier, a encore été ajournée faute de quorum, cette fois au 2 juillet, c’est-à-dire dans deux semaines. Le président de la Chambre a trouvé plus judicieux, à l’heure où rien ne présage de la fin du boycottage des séances par le 8 Mars, d’élargir les intervalles entre une séance et l’autre.
À la veille de la séance législative visant à voter, aujourd’hui, la nouvelle grille salariale, la présidentielle a été reléguée hier au second plan et les concertations à la place de l’Étoile ont porté sur le dossier salarial.
Car, au niveau de la présidentielle, le seul problème qui demeure inchangé est celui du blocage de l’échéance par le 8 Mars, indépendamment des prétextes qui lui sont accolés, comme l’a rappelé hier, à partir de Meerab, le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, candidat jusqu’à nouvel ordre du 14 Mars.
Ce n’est donc pas au niveau des rapports Aoun-Geagea qu’il faudrait situer le problème, et encore moins dans l’incapacité des parties chrétiennes à s’entendre – même si un blâme généralisé est adressé aux maronites à ce niveau, y compris par certains milieux du Futur et par Bkerké. Toutefois, le patriarche aurait indiqué à Michel Aoun, reçu à dîner à Bkerké il y a deux jours, qu’il lui attribuerait nommément la responsabilité du blocage s’il ne venait pas à mettre un terme au boycottage de la présidentielle.
Deux initiatives indéniables ont en effet été déjà prises par le 14 Mars pour débloquer la présidentielle : l’initiative de Samir Geagea, qui a proposé à Michel Aoun de déclarer sa candidature et de se présenter contre lui à la course présidentielle, à l’hémicycle, quitte à ce que le meilleur gagne ; à défaut, M. Geagea a proposé que le général Aoun et lui-même se retirent de la bataille et s’entendent sur deux ou trois candidats consensuels qui seraient départés par le vote à la Chambre. L’ancien Premier ministre Fouad Siniora a lui aussi pris une initiative dans ce sens, appelant les composanbtes du 8 Mars à déclarer leur candidat ou à s’entendre sur un candidat alternatif, comme devait le rappeler hier à partir de l’hémicycle le député Ahmad Fatfat.

Initiative de deux ambassadeurs européens
Plusieurs observateurs s’entendent à affirmer que Michel Aoun, mû par son ambition présidentielle, « voit, mais sans vouloir y croire, les données qui lui ôtent toute chance d’accéder à la magistrature suprême ». Ainsi, par exemple, le patriarche aurait fermement refusé l’idée, avancée par la délégation du Hezbollah qui s’était rendue à Bkeké à la veille de sa visite en Terre sainte, de soutenir Michel Aoun à la présidence pour un mandat écourté de deux ans. En outre, les diplomates occidentaux ont plus d’une fois affirmé que c’est en dehors des quatre ténors maronites qu’il faut chercher un candidat présidentiable.
Dans ce cadre, notre correspondant diplomatique, Khalil Fleyhane, rapporte que deux ambassadeurs européens au Liban sont sur le point d’entreprendre des contacts avec les différentes forces politiques pour débloquer la présidentielle sur la base d’une « candidature d’entente » qui ne serait ni celle de Michel Aoun ni celle de Samir Geagea. L’on croit savoir que seuls deux noms, indépendants, sont retenus désormais comme candidats sérieux.
En attendant, les députés du 14 Mars ont dénoncé, à partir de l’hémicycle, la persistance du chef du CPL à vouloir arracher l’appui de Saad Hariri à sa candidature non encore déclarée, quitte à recourir à des arguments saugrenus, comme celui de « troquer (son) accession à la présidence contre la garantie de la sécurité du président Saad Hariri ». Les propos sont ceux du député Atef Majdalani, en réaction à la récente déclaration du leader du CPL qui avait affirmé, lors d’une interview télévisée diffusée la veille, qu’il ne pourrait « garantir la sécurité politique de Saad Hariri si je n’occupais pas un poste de responsabilité », à savoir la présidence. Ces propos ont été interprétés comme un aveu implicite de la responsabilité de ses alliés dans les menaces sécuritaires contre Saad Hariri, et plus généralement le 14 Mars.
Le chef du bloc du Changement et de la Réforme « a décrit ceux qui menacent Saad Hariri comme étant ses alliés », a ainsi estimé le député Ammar Houry.
Plus nuancé, le député Ahmad Fatfat a déclaré que « c’est le peuple et nul autre qui assure la sécurité politique de Saad Hariri, sachant que celle-ci relève aussi de facteurs régionaux complexes ». Il serait donc aberrant que Michel Aoun invoque son aptitude à garantir la sécurité de Saad Hariri, « à moins que ce ne soient ses alliés qui risquent de porter atteinte à cette sécurité », a-t-il ajouté, l’appelant donc à « clarifier ses propos ».
Selon le député Marwan Hamadé, le leader du CPL ne ferait que jeter de la poudre aux yeux. « Il est incapable de garantir sa propre sécurité», a-t-il affirmé.
Les députés du bloc du Développement et de la Libération (bloc Berry) ont préféré s’attarder, d’une manière générale, sur le rapprochement qui se poursuivrait, selon eux, entre Saad Hariri et Michel Aoun.
C’est sur cette ouverture que les députés du bloc de Nabih Berry disent parier. « Un dialogue est toujours en cours entre le bloc du Futur et le Courant patriotique libre, c’est ce qui pourrait ouvrir une brèche dans la situation d’impasse actuelle », a ainsi affirmé le député Yassine Jaber qui a toutefois précisé que dans le cas où se dialogue n’aboutirait pas, le 8 Mars devra se rabattre sur un candidat consensuel. Parallèlement, les médias proches du 8 Mars évoquent un effort de médiation, mené par une connaissance commune, entre Michel Aoun et Samir Geagea, dans l’espoir d’accélérer la réponse de Saad Hariri en faveur du premier.

Rencontre Joumblatt-Hariri
Mais la position du Futur ne fait que se confirmer avec le prolongement de la vacance présidentielle : Saad Hariri s’en remet à la volonté chrétienne. Il ne s’aventurera pas à dire non à Michel Aoun. L’échéance ayant en tout cas été « délibanisée », rien ne justifie une rupture de l’ouverture Futur-CPL, qui s’est avérée fructueuse au niveau du gouvernement.
Celle-ci n’est toutefois pas sans susciter les craintes de certaines parties, sur certains points, comme celui de la tenue des législatives avant la présidentielle. Depuis que le camp aouniste appuie cette option, les craintes d’un changement d’alliances au niveau des circonscriptions électorales ont émergé, notamment chez le chef du PSP, Walid Joumblatt. Celui-ci s’entretiendra demain, à Paris, avec Saad Hariri. L’entretien aura pour objectif d’abord, pour le leader druze, de s’assurer qu’aucun marché ne sera conclu entre le Futur et le CPL à son détriment, notamment sur le dossier des législatives. Les récentes déclarations de certains députés, notamment le vice-président de la Chambre, Farid Makary, sur l’effet d’une ouverture entre le Futur et le CPL, sur le rôle traditionnel de Walid Joumblatt de faire pencher la balance, auront eu pour effet d’attiser ses craintes. Farid Makary, croit-on savoir, sera également présent à l’entretien à Paris. Des échanges seraient également prévus, lors de cet entretien, sur des noms de candidats alternatifs à Michel Aoun et à Samir Geagea. Enfin, la rencontre devra contribuer à améliorer les relations Joumblatt-Hariri, et surtout Joumblatt-Arabie saoudite, ces rapports s’étant quasiment rompus depuis l’épisode de la formation du gouvernement Mikati.