Si le Courant patriotique libre a pu séduire, passagèrement ou durablement, un nombre respectable de Libanais, c’est en grande partie par son approche anticonformiste du jeu politique local. C’est par la rébellion de son fondateur, le général Michel Aoun, contre le conglomérat de dynasties se prolongeant de (grand-) père en (petit-) fils qui a traditionnellement pris en main les affaires du pays. C’est par cette sorte de jacquerie petite-bourgeoise, populaire – et même populiste, disent ses détracteurs – contre une aristocratie partisane ou féodale décriée pour son népotisme, mais taxée aussi de corruption.
Bon gré mal gré, c’est à ce même club que vient d’adhérer, ouvertement désormais, le chef d’un imposant bloc parlementaire qui s’est pourtant donné pour slogan changement et réforme. L’occasion de cet amer et inconfortable coming out aura été le projet d’élections internes programmées pour le 20 septembre prochain et visant à désigner le président de cette formation appelée à se muer en parti politique. En laissant un bref moment caracoler dans l’arène un gendre et un neveu, seuls candidats en lice, Michel Aoun a fini de démontrer que, comme tant d’autres leaders politiques, il a un sens poussé de la famille. En se décidant à adouber, sans plus de simagrées électorales, le successeur de son choix, il a fait un sort, et cela dans ses propres murs, à son prêche moralisateur, imposant ce qu’il a appelé un compromis souhaité par la majorité de ses partisans.
Tel n’est visiblement pas l’avis du challenger sacrifié, le député de Baabda Alain Aoun, donné favori par les sondages, qui a indiqué qu’il se soumettait à l’option du patron. Autant dire que si le scrutin au sein du futur parti a été annulé au profit d’un sacre par forfait, c’est bien parce que le neveu, au discours plutôt modéré et qui fait crédiblement figure de réformateur, était bien parti pour battre le beau-fils. Qui, lui, traîne une belle collection de casseroles.
Deux fois blackboulé aux législatives dans sa circonscription de Batroun, où le rouleau compresseur du Hezbollah ne pouvait lui être d’aucun secours, Gebran Bassil est néanmoins de tous les gouvernements. Ministre des Télécoms, il dénie au Tribunal spécial pour le Liban, et même aux services sécuritaires locaux, l’accès aux données du téléphone mobile. Ministre des Ressources hydroélectriques, il promet fallacieusement aux Libanais 24 heures de courant électrique sur 24, pour finir par se rabattre sur la location, au prix fort, de deux générateurs flottants parvenus en fin de carrière : ce qui, aux yeux de ses ennemis, n’est pas pour étoffer sa réputation de transparence. Propulsé enfin aux Affaires étrangères, le chouchou de la maîtresse ne brille guère par son don de la diplomatie, trouvant tout dernièrement moyen de fouler aux pieds la politique officielle de neutralité en rangeant le Liban et l’Iran du même côté de la barricade…
Le CPL, qui réclame à cor et à cri l’élection du chef de l’État au suffrage universel, s’avère incapable d’élire, dans les formes, son propre président. Au frigo vite fait, le printemps orange ! Les adhérents ou sympathisants déçus ne sont pas seuls à le regretter…