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Oui au forceps pour les examens officiels, la correction attendra la grille des salaires

Oui au forceps pour les examens officiels, la correction attendra la grille des salaires

Au terme d’une journée rythmée de revirements et de menaces, le bras de fer entre le ministre Bou Saab et les syndicats a abouti en fin de soirée hier à une solution de compromis : les examens officiels, décalés d’une journée pour le brevet, auront lieu vendredi et la semaine prochaine, mais la correction n’est pas encore assurée. En attendant, comme il se doit, l’adoption de la grille des salaires.

Sandra NOUJEIM

La séance parlementaire pour le vote de la nouvelle grille des salaires avait été reportée en fin de matinée au 19 juin pour défaut de quorum. L’indignation des instances syndicales et du corps enseignant s’est alors déversée sur le ministre de l’Éducation, Élias Bou Saab, qui restait attaché hier à sa décision de tenir les examens officiels demain, jeudi, sans report. Pour les enseignants du secteur public, cette manière de court-circuiter leur grève aurait ôté la pression qu’ils faisaient peser sur les députés pour voter la nouvelle grille. Selon le président du syndicat des enseignants du privé, Nehmé Mahfoud, l’insistance du ministre à tenir les examens de brevet « est indirectement une incitation à ne pas procéder au vote de la nouvelle grille ».

Les enseignants, appuyés par le président de la Chambre Nabih Berry, ont donc décidé en fin d’après-midi de camper sur place et de « passer la nuit » littéralement au siège du ministère de l’Éducation. Cependant en soirée, le comité de coordination syndicale s’est de nouveau réuni avec le ministre Bou Saab, en présence du député Ali Bazzi (bloc du Développement et de la Libération), afin de trouver une solution médiane entre l’échéance des examens et les revendications syndicales. Une première réunion stérile a été suivie d’une seconde, qui s’est achevée sur une solution, annoncée à minuit lors d’une conférence de presse : l’ajournement de vingt-quatre heures des examens du brevet officiel, qui se tiendront vendredi au lieu de jeudi avec la participation des enseignants du secteur public.

Le ministre Bou Saab avait failli confier l’organisation et la surveillance des examens aux enseignants contractuels. Dans sa conférence de presse nocturne, entouré du directeur général de l’Éducation et du député Ali Bazzi, le ministre Élias Bou Saab a reconnu « la nécessité de la participation du comité syndical à la tenue des examens officiels », et que « le président du comité syndical, Hanna Gharib, avait raison de l’affirmer ». Le report des examens à vendredi a pour cause la grève déjà annoncée aujourd’hui par les syndicats. Il s’agit aussi d’accorder un petit répit aux étudiants. Le ministre a d’ailleurs évoqué « une prise en compte, dans le choix des données d’examens, des circonstances subies par les élèves, de manière à en tempérer la difficulté, sans toutefois baisser le niveau fort respectable du brevet ». Le report des examens officiels du brevet n’affecteront pas les dates des autres examens prévus pour la semaine prochaine (diplômes techniques et baccalauréat) déjà annoncées par le ministère de l’Éducation.
Toutefois, le ministre Bou Saab a insisté plus d’une fois hier sur le caractère « circonstanciel » de l’entente obtenue. En effet, rien n’est tranché « pour ce qui est de la correction des épreuves et de l’annonce des résultats », a-t-il souligné, dans une allusion à peine voilée aux outils de pression qui restent aux mains du comité syndical. C’est ce qui pourrait expliquer, peut-être, cette solution de dernière minute, à l’heure où chaque problème est traité au jour le jour.

L’idée des attestations
Auparavant, des informations circulaient sur la possibilité, pour le ministère de l’Éducation, de délivrer des attestations de brevet, sans la tenue des examens. « Ce scénario pourrait bien être l’ultime recours du ministre », avaient affirmé à L’Orient-Le Jour des sources aounistes. Ces sources ont écarté toutefois l’option d’une éventuelle démission du ministre de l’Éducation, dont la rumeur courait dans les coulisses des négociations. Cette option aurait pu, selon certains observateurs, lui permettre de s’extraire d’un « bras-de-fer avec le président de la Chambre », tout en « gagnant en popularité auprès des parents d’élèves et des instances économiques ».

Entre les remerciements qu’il a adressés hier, notamment au président Berry, qu’il a salué plus d’une fois, le ministre Bou Saab a évoqué vaguement un instant où « j’ai failli prendre une décision pour mettre un terme aux souffrances des élèves ».
Ces souffrances seraient surtout celles d’une situation alourdie par les « surenchères populistes » dénoncées hier par le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, que le ministre Bou Saab avait d’ailleurs rencontré en début de matinée à Clémenceau avant de se rendre à l’hémicycle.
Le Futur et le CPL (à l’exception du député Ibrahim Kanaan, dont la position était différente de celle de son bloc) s’entendent pour leur part à affirmer, mais pour des raisons différentes, que le chef d’orchestre de ces surenchères serait le président de la Chambre Nabih Berry.

Berry « instrumentalise les syndicats… »
« Nul ne souhaite régler la grille salariale, ni même le président de la Chambre », affirme à L’OLJ une source du Futur, estimant que le camp du 8 Mars « veut faire supporter au 14 Mars l’échec du vote de la nouvelle grille des salaires ».

Toutefois, selon des milieux du CPL, le président Berry souhaiterait en réalité « exercer une pression sur le chef du bloc du Futur, pour l’amener à prendre part aux séances législatives du Parlement ». Les mêmes milieux aounistes maintiennent également le flou sur leur position par rapport à la grille salariale. « Si la séance législative s’était tenue, nous aurions voté pour la grille avec des amendements », affirment-ils à L’OLJ en réponse à une question. En réalité, il existerait chez le 8 Mars une volonté politique de louvoyer, afin de meubler la période de vide, dans l’attente d’une solution globale à tous les dossiers pendants.

D’ailleurs,mis à part le chef du bloc de la Libération et du Changement, le président de la Chambre, Nabih Berry, les chefs des blocs ayant pris part à la séance (le Hezbollah et les joumblattistes ) se sont abstenus de s’y rendre en personne. Les députés Talal Arslane, Ahmad Karamé, Nagib Mikati et Nicolas Fattouche se sont également absentés de la séance. Du côté du 14 Mars, seule la députée Bahia Hariri, présidente de la commission de l’Éducation, ne s’est pas conformée au boycottage de la séance par son camp, « par solidarité avec le corps enseignant qu’elle a toujours défendu et dont elle faisait partie », croit-on savoir.

Le 14 Mars
D’une manière générale, les positions du 14 Mars demeurent intangibles sur la question : les Kataëb et les Forces libanaises contestent la constitutionnalité d’une séance législative en l’absence d’un président de la République et estiment que l’élection d’un chef de l’État apporterait des solutions à tout, y compris à la grille des salaires. Il reste que les FL et le Futur n’écartent pas la possibilité de légiférer sur les questions urgentes.
Mais ils craignent « une faillite de l’État » en cas d’approbation de la nouvelle échelle salariale, à défaut d’un descriptif clair des recettes et des dépenses accompagnant cette grille. C’est sur cet argument qu’est revenu hier le député du Futur Ghazi Youssef, lors d’une conférence conjointe, à partir de l’hémicycle, avec les députés Ahmad Fatfat, Jamal Jarrah et Antoine Zahra.
« Nous restons prêts pour étudier les recettes pour le financement d’une grille acceptable, tandis que d’aucuns veulent nous obliger à voter une grille qui serait destructive pour le pays », a-t-il déclaré, appelant le ministre des Finances Ali Hassan Khalil à « assumer ses responsabilités à ce niveau ».
Ce dernier continuait de défendre « une stratégie claire mise sur pied en commissions mixtes ». Il a ainsi réfuté l’argument selon lequel les chiffres seraient douteux.