C’est sur une note modestement positive que le Liban clôt 2014, une année qui a été particulièrement lourde, à tous les niveaux pour le pays. En reprenant langue après une longue période d’hostilité, marquée par une véritable guerre verbale, le Hezbollah et le courant du Futur donnent le sentiment qu’un rabibochage est encore possible, même si leurs positions restent diamétralement opposées sur des questions de fond.
Ce soir, à 18h, la première réunion entre les représentants des deux partis se tiendra à Aïn el-Tiné, en présence du président de la Chambre, Nabih Berry, qui parraine comme on le sait ce dialogue bilatéral. Le courant du Futur sera représenté par le ministre de l’Intérieur, Nohad Machnouk, le député Samir Jisr et M. Nader Hariri, conseiller du chef du parti, Saad Hariri. Le Hezbollah sera représenté à son tour par le ministre de l’Industrie, Hussein Hajj Hassan, le député Hassan Fadlallah et hajj Hussein Khalil, adjoint politique du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah. C’est le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, qui représentera M. Berry à la réunion. Ce dernier doit ouvrir solennellement le dialogue par une allocution au cours de laquelle il doit mettre l’accent sur l’importance de ces retrouvailles et sur l’impact positif que le dialogue pourrait avoir sur le pays. De sources informées, on indique que M. Berry doit également souligner que le dialogue reste la voie idéale pour régler tout problème qui se pose avant de rendre hommage par la même occasion aux deux commandements du Hezbollah et du Futur pour l’initiative qu’ils ont prise, après un divorce qui dure depuis la démission du gouvernement de Saad Hariri.
Cette première séance reste cependant de pure forme. Elle marquera seulement la volonté des deux parties de discuter ensemble et se limitera en fait à l’allocution de M. Berry ainsi qu’à des échanges de courtoisie, avant le dîner organisé par M. Berry en l’honneur de ses hôtes, lesquels doivent fixer la date de leur prochaine réunion, celle au cours de laquelle ils doivent commencer à s’attaquer à des questions de fond. Celle-ci aura lieu également à Aïn el-Tiné, à moins que les parties prenantes au dialogue ne décident de se retrouver au Parlement.
Il faut préciser qu’à ce dialogue, il existe un double objectif : réduire la tension dans le pays et discuter des moyens de débloquer le dossier de la présidentielle. Les sujets conflictuels, tels que la participation du Hezbollah à la guerre en Syrie, aux côtés des forces du régime, ne seront pas abordés pour l’heure, mais on souligne, toujours de mêmes sources, que l’ordre du jour établi reste ouvert de manière à englober plusieurs autres questions. Les deux partis assurent qu’il n’y aura pas de sujets tabous durant le dialogue. Mais chaque dossier a son timing, assure-t-on de sources politiques. En d’autres termes, ce n’est pas le moment de discuter de l’implication hezbollahie en Syrie ou des armes du parti de Dieu.
La sécurité sera cependant omniprésente durant les délibérations et s’inscrit dans le cadre du chapitre réservé à la réduction de la tension dans le pays, ce qui implique un débat sur les moyens de contribuer au succès du plan de sécurité mis en place par le ministère de l’Intérieur pour la Békaa notamment, en aplanissant les obstacles à son exécution, dont le déploiement des brigades de la résistance ou les vexations dont sont victimes des réfugiés syriens proches de l’opposition, qui sont la cible de groupes proches du régime syrien dans la Békaa.
De sources ministérielles, on estime que le dialogue qui commence ce soir a de fortes chances d’aboutir, en justifiant cet optimisme par sa concomitance avec des initiatives occidentales et arabes visant également à s’attaquer au dossier de la sécurité, en commençant par celui de la Syrie.
Dans cette perspective, la présence d’un chef de l’État est plus que jamais nécessaire. L’Iran et le Hezbollah commencent à sentir que la vacance présidentielle est en train d’affecter leurs intérêts dans le pays. Selon des sources occidentales, le fait que le Hezbollah, qui a toujours refusé la politique de la main tendue de Saad Hariri, accepte aujourd’hui de s’engager dans un dialogue avec le courant du Futur reflète en fait une nouvelle politique iranienne qui pourrait faciliter l’élection d’un chef de l’État. La visite du président du Parlement iranien, Ali Larijani, à la veille de la reprise du dialogue avec le Hezbollah, s’inscrirait dans ce cadre.
Toujours selon les mêmes sources, on raconte que lorsque l’émissaire français, Jean-François Girault, soulevait avec les autorités iraniennes le dossier de la présidentielle libanaise, celles-ci lui suggéraient poliment de s’adresser au Hezbollah. Une façon de lui expliquer diplomatiquement qu’elles ne se mêlent pas de ce dossier. Or il y a deux mois, au cours de la dernière visite de M. Girault à Téhéran, les Iraniens lui ont expressément demandé de se réunir avec les dirigeants chrétiens du pays pour les encourager à s’entendre sur un candidat et de solliciter également l’intervention du Vatican dans ce dossier, en arguant du fait que la vacance présidentielle devient dangereuse et que le spectre d’une discorde plane toujours.
Le dialogue interne et les initiatives occidentales de médiation, qui reprennent au début de la nouvelle année, avec une visite prévue de Jean-François Girault en Arabie saoudite, puis en Iran, ont de fortes chances de déboucher sur une entente au sujet de la présidentielle. Si jamais Téhéran donne son feu vert à un candidat consensuel, le Hezbollah pourra convaincre son allié local, le général Michel Aoun, de se retirer de la course, au profit d’un candidat qui ferait l’unanimité. Parallèlement, le Vatican pourrait jouer un rôle pour encourager les dirigeants maronites à s’entendre autour d’un candidat consensuel.
Dans ce contexte, il est possible que le dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah s’élargisse pour englober d’autres composantes politiques libanaises.