IMLebanon

Parole donnée

EN TOUTE LIBERTÉ

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Le Courant patriotique libre a agité récemment le spectre du « fédéralisme », s’érigeant en champion des droits des « chrétiens » du Liban, il a même affirmé par la voix de certains de ses membres que ces derniers (les chrétiens) pourraient décider de « reprendre la parole qu’ils avaient donnée à leurs compatriotes musulmans en 1943 », une parole à l’origine de l’indépendance et du pacte national.
Pour un observateur de la scène interne, « cette menace a quelque chose de naïf ». Selon cet activiste qu’aucun unanimisme n’aveugle, « le fédéralisme est l’un des systèmes possibles pour gérer la diversité ethnique, culturelle et religieuse. Ainsi, les États-Unis, la Suisse, la Belgique, l’Allemagne, sont des pays fédéraux. Il est donc faux d’être par principe hostile au fédéralisme, et d’ailleurs, une forme de fédéralisme a cours au Liban, puisque chaque communauté dispose de son propre statut personnel pour gérer sa spécificité religieuse et puisque l’accord de Taëf s’est prononcé pour une décentralisation administrative poussée ».
« Par contre, ajoute la source citée, il est simpliste de croire que le fédéralisme politique peut être une option viable au Liban, et ceux qui, en ce moment, agitent cette option comme une menace, ou une réaction, le font par pur populisme. Car de quel fédéralisme politique peut-on parler dans un pays aussi petit et dont les communautés sont si étroitement imbriquées les unes dans les autres ? Sur quelle base géographique conclure cette fédération ?

Va-t-on entreprendre aujourd’hui une nouvelle épuration ethnique, comme on l’a tenté durant la guerre ? » « Du reste, note l’observateur cité, si l’on devait établir des cantons au Liban, ce sont les chrétiens, minorité éparpillée sur l’ensemble du territoire, qui seraient les premiers perdants. Quoi, un canton chrétien entre Zghorta et Achrafieh? Peut-on imaginer un “pays chrétien” sevré de Kobeyate, Ras Baalbeck, Deir el-Ahmar, Deir el-Qamar, Jezzine, Marjayoun et Kleyaa, Debel, Rmeich et Aïn Ebel ? »
« Va-t-on plutôt opter pour le fédéralisme communautaire ? poursuit notre observateur. On l’a envisagé avec la loi électorale dite “orthodoxe” en vertu de laquelle chaque communauté élirait ses propres députés. Et tous les experts ont averti que dans ce genre d’option, ce sont les personnalités et les partis les plus extrémistes, les plus insulaires, qui seraient élus, d’autant que le paysage audiovisuel est aujourd’hui modelé dans leurs intérêts. »
Et d’ajouter : « On dit qu’à l’époque du traité de Versailles, Georges Clemenceau avait fait remarquer au patriarche Hoyek, qui réclamait le Grand Liban, que cette option n’était pas dans l’intérêt des chrétiens, puisqu’à long terme, ils pourraient perdre la majorité numérique dont ils jouissaient encore à l’époque. Réponse du patriarche Hoyek : L’intérêt des chrétiens est de vivre avec les autres. »

« C’est là une conviction fondatrice, assure la source citée. Le synode patriarcal maronite ou des personnalités comme Michel Eddé ne disent pas autre chose aujourd’hui, quand ils affirment que les chrétiens, ou plus restrictivement les maronites, sont faits pour le Liban, et non pas le Liban pour les chrétiens. »
« Certes, enchaîne-t-il, ça ne veut pas dire que tout va pour le mieux dans la meilleure des républiques possibles. Il existe bel et bien des dysfonctionnements et des blocages dans la gestion de la vie du pays, et il leur faut des solutions. Mais ces solutions doivent être intelligentes. L’accord de Taëf a prévu, par exemple, une décentralisation administrative poussée, voilà un exemple de solution intelligente. Mais voulons-nous des lois différentes ? La réponse est non. Le problème est dans l’administration, non dans les lois. »
« Non, le problème avec le Liban c’est que nous sommes un seul peuple avec des politiciens corrompus. Que “les chrétiens aient beaucoup perdu”, comme on le répète, n’est que normal, dans un pays où, comme le montrent les fuites de WikiLeaks, les politiciens font allégeance aux puissances étrangères qui les financent, incarnant des projets politiques distincts plutôt que la volonté de vivre en commun. Ce que nous voyons serait-il pensable dans un pays qui se respecte, en France par exemple ? » Et l’observateur de conclure : « Entre le Liban message du patriarche Hoyek et de Jean-Paul II et le Liban fédération de communautés de Michel Aoun, permettez-moi de choisir le premier. Je ne reprendrai pas ma parole. »