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Pas de relance de l’exécutif cette semaine

 

Sandra NOUJEIM 

Trois jours marathon de dialogue national s’annoncent dès demain mardi et jusqu’à jeudi.
Mais contrairement à certaines spéculations optimistes, recueillies en fin de semaine dernière, il est improbable que les séances de dialogue conduisent dans l’immédiat à une réunion du Conseil des ministres vendredi – un scénario qui devait marquer la relance de l’exécutif sur la base d’un mécanisme plus souple de prise de décision. « Le Conseil des ministres ne se réunira pas cette semaine », assurent des sources du Grand Sérail à L’Orient-Le Jour, répondant toutefois par la négative à la question de savoir si leur certitude anticipe implicitement l’échec des séances de dialogue. Prudentes, ces sources disent « parier » sur le dialogue et refusent de s’exprimer « en termes d’optimisme ou de pessimisme ».
Elles occultent ainsi l’incertitude qui continue de planer sur le résultat des séances : réussiront-elles à raviver la solution d’ensemble en neuf points qui avait été envisagée pour régler la question des nominations militaro-sécuritaires ?

Les milieux centristes, dont les deux grandes figures, Nabih Berry et Walid Joumblatt, ont parrainé cette solution d’ensemble, ne cachent pas leur scepticisme quant à l’aboutissement du « compromis sur les nominations ». Dans ces mêmes milieux, certains vont jusqu’à faire état de « l’échec de ce compromis ». Un échec que la plupart des acteurs politiques s’abstiennent de déclarer de but en blanc.
 En théorie, il y a des raisons de croire dans la réussite de cette formule. En effet, l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, qui avait été le seul à s’opposer avec virulence au compromis sur les nominations, lors de la réunion au bureau du président de la Chambre en marge de la dernière séance de dialogue, a semblé tempérer hier sa position. « Nous ne sommes pas opposés aux nominations sécuritaires, mais avons seulement formulé des réserves à cet égard », a-t-il déclaré. Il a ainsi plaidé pour « une solution durable qui puisse rendre possible le travail du gouvernement », et favoriser dans ce cadre un « retour à la Constitution » pour ce qui est du mécanisme de prise de décision (le vote des décrets ordinaires à la majorité absolue des ministres et le vote aux deux tiers des décrets sur les questions fondamentales énumérées par la Constitution).
Cette déclaration du chef du bloc du Futur ouvre ainsi une brèche dans le mur des nominations, en ce qu’elle donne ses chances au compromis.

En pratique toutefois, ces chances semblent restreintes. Le leader du courant du Futur, le député Saad Hariri, qui avait été convaincu, dans un premier temps, de la nécessité de trouver une issue aux nominations sécuritaires en faveur du Courant patriotique libre, se serait finalement remis à l’avis de Fouad Siniora sur la question, apprend-on de source centriste proche du 14 Mars.
« La position du Futur est celle qu’a exprimée le président Siniora », a d’ailleurs confirmé le député Atef Majdalani à L’OLJ. Or, cette position de l’ancien Premier ministre reprend à l’identique la teneur de ses précédentes positions qui avaient été rapportées à L’OLJ par des milieux du Futur hostiles à la formule envisagée. Ces milieux avaient tenu à rappeler la contrepartie qu’ils exigent pour avaliser les nominations militaires: une garantie sûre d’une relance durable de l’exécutif.
« Si le navire coule… »

Le nœud des concertations sur les nominations se précise : le compromis est-il suffisant pour garantir la mise sur pied d’un mécanisme de l’exécutif, contre lequel le CPL ne se retournerait pas ?

Les milieux du Futur ne dissimulent pas leur scepticisme sur la question, d’autant plus que le CPL s’abstient de décrire avec précision le « mécanisme de consensus souple » qu’il préconise. « Il n’y aura pas de nouvelles réunions du gouvernement en l’absence d’une entente sur le mécanisme », s’était contenté pour sa part d’affirmer l’ancien ministre Gaby Layoun à l’agence d’informations al-Markaziya, samedi.

La persistance du CPL à occulter la question du mécanisme serait liée au moins à deux considérations. La première est que ce courant est en mesure (en droit ?) de réclamer un réajustement des nominations à son avantage, après avoir été pris de court par la décision du ministre de la Défense de reporter l’âge de la retraite de trois officiers, dont le commandant en chef de l’armée. C’est ce qui explique la réticence de certains milieux du 14 Mars à recourir à un forcing pour relancer l’exécutif (le vote étant le seul moyen envisageable pour l’approbation des nominations, des ministres du Futur avaient exigé que le mécanisme de vote adopté éventuellement s’applique aux décrets suivants). Tout forcing risquerait de réveiller la polémique autour du report du départ à la retraite du commandant en chef de l’armée, fait remarquer une source centriste.
 Une seconde considération est liée au contexte politique du pays, qui semble se tendre. Le CPL ne serait pas près de renoncer à sa carte de blocage de l’exécutif, d’autant plus que celle-ci n’est pas sans servir le Hezbollah. Par la voix de son secrétaire général adjoint, le cheikh Naïm Kassem, le parti chiite a rompu avec l’expression traditionnelle de son souci de préserver le cabinet : « Nous sommes aux portes de l’effondrement du gouvernement libanais », avait-il déclaré, renvoyant au 14 Mars « la responsabilité du blocage de l’État et du refus de tout compromis ». En fin de semaine, ministres et députés du Hezbollah sont revenus à la charge, accusant explicitement Fouad Siniora de bloquer le compromis sur les nominations. Ces déclarations du Hezbollah n’ont pas laissé indifférents les milieux du Futur, qui disent craindre le prélude à une chute du gouvernement.

En contrepartie, les députés du bloc berryiste ont multiplié leurs appels au dialogue. « L’heure n’est pas au règlement de comptes partiel. L’obstination nous mènera vers l’inconnu. Et il faut comprendre que si le navire coule, nous coulons tous », a affirmé pour sa part le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, lors d’une cérémonie hier. Samedi, il avait plaidé en faveur du compromis. « Nous traversons l’une des pires étapes politiques. Le compromis, fût-il vicié, reste une solution nécessaire en période de crise », avait-il déclaré, appelant à « saisir l’occasion d’un compromis ».

La semaine qui s’ouvre en sera l’ultime essai. Cette semaine, le pire scénario évoqué est le retrait du CPL du dialogue, qui semble néanmoins improbable, à en croire certaines sources parlementaires. Celles-ci n’excluent pas toutefois que le général Michel Aoun y délègue un cadre du CPL autre que le ministre Gebran Bassil, dans une tentative, disent-elles, de « dévaloriser » le dialogue.