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Pas encore de compromis régional à l’horizon…

Nouveaux combats à Ersal, avancée de l’État islamique (EI, ex-Daech) en Syrie, contacts infructueux en Irak pour la formation du gouvernement : la région tout entière semble au bord d’un volcan. La lueur d’espoir qu’a constituée la soudaine visite du ministre adjoint des Affaires étrangères iranien, chargé du monde arabe, à Riyad ne s’est pas encore concrétisée et les sources proches des deux camps ne débordent pas d’enthousiasme à ce sujet. Elles estiment qu’un accord entre les deux pays n’est pas encore en vue, même dans le cadre de « la grande bataille contre l’EI », déclenchée officiellement par les États-Unis et consacrée par le Conseil de sécurité de l’Onu.

Des sources libanaises proches du 8 Mars estiment à cet égard qu’en dépit des déclarations officielles, la position des pays du Golfe, dont l’Arabie et le Qatar, reste ambiguë au sujet de l’EI.
Selon ces sources, l’argent continue d’affluer dans les caisses de l’EI, en provenance des pays du Golfe, notamment le Koweït, le Qatar et l’Arabie, sachant que le million de dollars quotidien gagné par ce groupe grâce à la vente du pétrole, via la Turquie, suffit à peine à acheter les munitions, l’EI ayant besoin d’autres revenus pour assurer la survie de l’État islamique qu’il a fondé. Selon les sources proches du 8 Mars, l’origine de la pensée takfiriste vient d’ailleurs de l’Arabie, dont plusieurs milliers de combattants ont rejoint l’EI. D’ailleurs, la récente attaque contre un bâtiment sécuritaire officiel saoudien, dans la ville de Charoura à la frontière avec le Yémen, a montré à quel point l’esprit takfiriste est bien implanté dans le royaume.

Selon les quotidiens saoudiens, les membres du commando sont saoudiens, même s’ils sont venus par le Yémen pour faire sauter le bâtiment, dans un attentat-suicide spectaculaire. Malgré cela, les ulémas dans les mosquées n’ont pas condamné cette attaque. Aujourd’hui, les autorités saoudiennes exercent de fortes pressions sur les ulémas dans une tentative de les pousser à promouvoir la « modération », décrétée par le roi Abdallah dans son dernier discours à la nation. Elles ont même annoncé l’arrestation d’une dizaine d’ulémas qui ne se sont pas conformés à cette injonction, mais lorsque la presse saoudienne annonce l’arrestation d’une dizaine d’ulémas, c’est qu’il y en a beaucoup d’autres qui sont dans la même situation, mais les autorités cherchent à leur faire peur. Par exemple, aux Émirats arabes unis, les autorités ont carrément ordonné aux ulémas qui prêchent dans les mosquées de s’inspirer de la doctrine d’al-Azhar en Égypte, au lieu de la ligne religieuse wahhabite. C’est dire combien « le mal takfiriste » est bien ancré au sein de la hiérarchie religieuse saoudienne et au sein de la base populaire. Même chose au Koweït, où des manifestations pro-EI ont eu lieu, et en Jordanie, où la province de Maan est quasiment acquise aux thèses extrémistes.

Les sources proches du 8 Mars estiment ainsi que ces pays ont joué avec le feu en laissant ce phénomène s’amplifier chez eux, dans le but de mobiliser les jeunes pour qu’ils aillent combattre contre le régime syrien de Bachar el-Assad et contre le gouvernement irakien de Nouri al-Maliki. Tout le monde s’est mis de la partie pour un forcing contre ces deux régimes sans penser aux risques internes et à la menace que pourrait constituer ce phénomène pour ces pays eux-mêmes et pour l’ensemble de la région. Tout cela avec l’indifférence bienveillante des États-Unis. Même lorsque l’EI a pris le contrôle de Mossoul, aussi bien les pays du Golfe que la Turquie et les États-Unis ont réagi mollement. Ils ont commencé à réaliser l’ampleur de la menace lorsque les combattants de l’EI se sont approchés d’Erbil au Kurdistan et lorsqu’ils se sont approchés de la frontière avec l’Arabie (ils ne sont plus séparés du royaume wahhabite que par une centaine de kilomètres de désert) et de celle avec la Jordanie, où ils ont pris le contrôle du poste-frontière. Immédiatement, le roi Abdallah d’Arabie a d’ailleurs dépêché des émissaires aux tribus installées dans la zone proche de la frontière avec l’Irak pour leur enjoindre de combattre l’EI au cas où il songerait à entrer sur le territoire saoudien. C’est à partir de ce moment que la communauté internationale et les pays du Golfe ont commencé à réagir et à réclamer une alliance pour la lutte contre le terrorisme. Mais même aujourd’hui, les positions restent ambiguës.

 

(Lire aussi: Obama peut-il vaincre l’État islamique en s’en tenant à sa doctrine ?)

 

Les sources proches du 8 Mars sont convaincues que tant que les fonds continueront à affluer vers l’EI cela signifiera que la guerre contre ce groupe n’est pas sérieuse. Même la résolution 2170 du Conseil de sécurité qui condamne l’EI ne prévoit pas un mécanisme de lutte contre ce phénomène. Il s’agirait encore d’une position de principe qui ne s’est pas vraiment concrétisée. D’une part, parce que dans les pays du Golfe, cet esprit est largement implanté et qu’il faut du temps pour le combattre et, d’autre part, parce que certains États régionaux et internationaux continuent à croire que l’EI, s’il est contenu, peut être utile dans la lutte contre l’Iran et ses alliés dans la région. Tant que cette idée continuera à prévaloir, précisent les sources du 8 Mars, il y a peu de chances d’aboutir à des compromis qui seraient de nature à soulager la région. L’heure des solutions, au Liban et ailleurs, n’a donc pas encore sonné. Reste à savoir si l’EI pourra être contenu ou bien s’il lancera une nouvelle attaque-surprise là où on ne l’attend pas.