C’est sur la prochaine position que pourrait prendre le chef de l’État, Michel Aoun, au sujet de la loi électorale que mise le Hezbollah en ce moment. Le président pourrait effectivement décider de trancher la dispute à ce sujet en faveur de l’adoption de la proportionnelle appliquée aux circonscriptions moyennes, balayant ainsi toutes les autres formules en examen dont la formule mixte (la proportionnelle combinée au système majoritaire). Poursuivant ses pressions implicites ou indirectes sur le sexennat et les composantes principales qui le soutiennent (le CPL, les FL, le courant du Futur), le tandem chiite (Amal et Hezbollah) manie aujourd’hui l’épouvantail du vide, insistant sur le risque qu’il puisse s’étendre à l’ensemble des institutions et non seulement au Parlement.
Dans les milieux du courant du Futur, on affirme que la formation haririenne a convenu du principe de la proportionnelle, en posant toutefois des conditions pour ce qui a trait à la division des circonscriptions et des modalités du calcul du vote préférentiel que prévoit le dernier projet soumis par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Ce modèle avait fait l’objet d’une réunion entre M. Bassil et le numéro deux du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, qui ont longuement discuté des détails du projet.
Mais la question reste de savoir pourquoi toutes ces pressions de la part du binôme chiite en matière de loi électorale sachant que le quota des deux formations, Amal et le Hezbollah, en matière de nombre de voix à recueillir est assuré à l’avance ?
À cette interrogation, une source des Forces libanaises répond que l’objectif visé par le parti chiite est, à n’en point douter, de réduire de facto la part chrétienne, plus précisément celle des FL et du CPL, en termes de représentation, mais également celle du courant du Futur, le but ultime étant la dislocation de ces forces à l’avenir. Les sources ont tenu à rappeler l’attitude affichée par le Hezbollah aussi bien après les législatives de 2005 – le parti avait qualifié à l’époque la majorité acquise aux forces du 14 Mars d’« illusoire » – puis celles de 2009, lorsqu’il avait parlé de « distinction à faire entre majorité parlementaire et majorité populaire » dont se prévaut le parti chiite.
Dans les milieux des FL, on se demande quel sera le prochain scénario si le Hezbollah n’arrive pas à imposer une loi qui puisse servir ses ambitions en termes d’effritement du front chrétien allié au courant du Futur.
Selon des sources politiques proches du régime, le Hezbollah est une composante régionale de l’axe syro-iranien qui carbure conformément à un agenda extérieur. Par conséquent, ses échéances ne sont nullement internes mais régionales, les élections devenant ainsi un outil à mettre au service de son agenda externe.
En s’attachant à la formule de la proportionnelle appliquée à la circonscription unique, sachant pertinemment que l’ensemble des forces politiques, à l’exception du mouvement Amal, préfèrent de loin le modèle mixte, le parti chiite tente ainsi d’arracher aux forces qui gravitent dans le giron du 14 Mars une position officielle de renoncement à l’examen de la stratégie de défense qui toucherait directement à la question des armes du parti. Une question qui, selon ce dernier, devrait rester hors du débat et confinée à la stricte définition figurant dans la déclaration ministérielle. Celle-ci prévoit une reconnaissance de la résistance pour la libération des territoires occupés, en l’occurrence, les fermes de Chebaa. Le Hezbollah s’appuie également sur les recommandations prises lors du sommet arabe qui s’est tenu en Jordanie, qui réaffirment « le droit des Libanais à la résistance à toute agression de la part d’Israël, ainsi que la nécessité de faire une nette distinction entre le terrorisme et la résistance légitime contre l’occupant israélien ».
C’est dans ce cadre qu’il faut placer la campagne de dénonciation de la missive envoyée aux chefs des pays arabes, présents au sommet de Amman, par les anciens présidents et Premiers ministres (Gemayel, Sleiman, Siniora, Mikati, Salam) requérant la nécessité de trouver une solution aux armes du parti chiite considérées comme illégales. Selon un ancien ministre proche des forces du 14 Mars, la résistance que le Liban a connue en 2000 puis en 2006 est terminée. Celle-ci a muté pour se transformer en une milice militaire régionale et une branche à part entière des gardiens révolutionnaires iraniens opérant dans le cadre de l’axe régional irano-syrien. Elle n’est plus par conséquent une résistance libanaise servant l’unique objectif de la défense du territoire interne contre les agressions de l’État hébreu.