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Pourquoi l’Iran ne débloquera pas pour l’instant la présidentielle…

 

Sans donner de réponses positives sur le dossier libanais, l’Iran aurait, face au chef de la diplomatie française Laurent Fabius, adopté une attitude générale positive, mâtinée d’ouverture sur les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite. Objectif ? Envisager un partenariat pour des solutions aux crises régionales. Quant à la présidentielle libanaise, Téhéran aurait proposé qu’elle soit au menu d’une rencontre entre le président iranien et son homologue français, dans une tentative à peine voilée de consacrer son rôle de décideur régional.
Pourquoi l’Iran n’a-t-il pas concédé plus à la France – pourtant mandatée par Washington pour régler la question de la présidentielle ?
Téhéran souhaiterait pousser les États-Unis à reconnaître son rôle de parrain des crises régionales, notamment vis-à-vis des pays du Golfe. Or des sources diplomatiques affirment que Washington ne veut pas, à cette étape, aborder ce dossier avec l’Iran, dans la mesure où il est actuellement focalisé sur le règlement de la crise syrienne et la consolidation de l’opposition syrienne.
Les États-Unis seraient pour l’instant prêts à reconnaître les intérêts russes en Syrie, mais pas ceux de l’Iran. Une situation qui complique le déblocage de la présidentielle au Liban, puisque Téhéran tient énormément à la carte syrienne. Pour régler le problème, Washington tente de pousser Moscou à brider les ardeurs iraniennes. Les Russes seraient chargés de dissuader Téhéran, les États-Unis œuvrant pour leur part avec le Golfe sur une solution sans Bachar el-Assad, mais prévoyant la préservation du régime et de l’armée, dans le but d’éviter la déconvenue irakienne post-Saddam Hussein.
La solution à la crise syrienne passerait nécessairement par un rééquilibrage des relations Damas-Riyad, ce dont la Russie se chargerait actuellement, soulignent ces sources. Moscou aurait réussi, dans ce cadre, à organiser une rencontre entre un représentant du régime syrien, accompagné par le directeur des renseignements syriens, Ali Mamlouk, et le vice-prince héritier, l’émir Mohammad ben Salmane, dans une tentative de briser la glace. Le dirigeant saoudien aurait indiqué à M. Mamlouk que « le problème de Riyad avec Damas est son alliance avec Téhéran », et que l’Arabie refuse net un rôle iranien dans une solution à la crise syrienne.
Or Washington souhaite tenter de convaincre les pays du Golfe qu’un rôle de l’Iran est nécessaire pour régler la crise syrienne. Il est ainsi question de mettre sur pied un G5 + 3 (Allemagne, Arabie saoudite et Iran) pour passer outre à l’opposition de Riyad et certains pays du CCG à la participation de Téhéran à une solution en Syrie; en d’autres termes, de créer une passerelle internationale entre l’Iran et l’Arabie.
Cependant, des sources bien informées indiquent que la France refuserait de discuter avec l’Iran du dossier syrien. En revanche, Paris est prêt à aborder avec Téhéran le dossier libanais, dont l’Hexagone est chargé, du fait de ses liens historiques d’amitié avec Beyrouth. D’autant que, pour Paris, il existe à l’étape actuelle une convergence d’intérêts entre l’Occident et l’Iran pour maintenir la stabilité au Liban et un minimum d’activité institutionnelle.
Les positions du camp pro-iranien au Liban, notamment le Hezbollah, répercuteraint cette volonté de Téhéran de garder la carte libanaise entre ses mains comme élément fondamental de pression pour asseoir son rôle régional. Comme à Téhéran, où les dirigeants ont fait preuve, avec Laurent Fabius, d’un mélange paradoxal d’ouverture et de prudence, à Beyrouth, le Hezbollah soutient le général Aoun dans ses positions jusqu’au-boutistes et, simultanément, prétend que la chute du cabinet Salam est une ligne rouge, dans une attitude tout aussi paradoxale. Cela serait le reflet de la confusion iranienne, soulignent des sources bien informées, Téhéran souhaitant à la fois étaler sa musculature et montrer patte blanche en vue de se voir reconnaître sa suprématie régionale en douceur.
Partant, Téhéran ne débloquera pas la présidentielle à l’heure actuelle. Pas avant de s’assurer que ses intérêts régionaux sont assurés, notamment en Syrie. Ce qu’il n’est pas question, pour l’instant, côté occidental, de lui concéder. En attendant les résultats de la rencontre, le 3 août, entre John Kerry et ses homologues des pays du Golfe, qui pourrait ouvrir la voie à une nouvelle page dans les relations arabo-iraniennes.