Présidentielle : deux noms de candidats consensuels circulent
La prochaine séance électorale, fixée hier au 18 avril, aurait des chances d’aboutir, dépendamment des développements régionaux. Cette lecture optimiste émanant d’une source politique libanaise s’appuie sur l’ébauche de solutions politiques en Irak, au Yémen et en Syrie.
Il semble en effet que la phase du conflit armé en Syrie soit définitivement close. Un diplomate constate la détermination de Washington et de Moscou à consolider le cessez-le-feu et à instaurer une trêve définitive parallèlement aux négociations pour une solution politique pacifique. L’émissaire de l’Onu, Staffan de Mistura, qui supervise depuis neuf jours des discussions indirectes entre l’opposition et Damas, avait fait état d’une « avancée positive » dans les pourparlers. Une avancée qui serait favorablement accueillie par la Russie. À en croire un diplomate occidental, Moscou « tiendrait énormément » à une solution politique en Syrie. Toute la raison d’être de l’intervention militaire russe en Syrie n’était-elle pas de contrer l’effondrement du régime, de rééquilibrer les rapports de force entre Damas et l’opposition et de sécuriser la phase des négociations ? À cela s’ajoute un autre motif, pour Moscou, de favoriser le dialogue en Syrie : éviter une confrontation violente avec l’opposition, en grande partie sunnite, par crainte de répercussions sur son propre sol. C’est ce qui avait en partie motivé le retrait militaire russe.
La source diplomatique parie ainsi grandement sur les pourparlers en cours entre le secrétaire d’État américain John Kerry, d’une part, et le président russe Vladimir Poutine, ainsi que son chef de la diplomatie, Serguei Lavrov, de l’autre. Des pourparlers d’autant plus décisifs que la Russie aurait réussi à écarter l’Iran des négociations relatives à la Syrie, et donc à se substituer à lui. Des milieux parlementaires syriens sont catégoriques : la Russie est la partie qui détient la carte syrienne depuis que l’influence iranienne et sa présence militaire, par le biais du Hezbollah, se sont nettement réduites. Il y aurait en effet des comportements, observés sur le terrain syrien, symptomatiques d’un recul iranien : Téhéran avait récemment adopté une méthode visant à inciter les sunnites en Syrie à se convertir au chiisme, en contrepartie d’armes et de versements d’argent. Mais il semble que ces mercenaires sunnites, financés par les Iraniens, se soient finalement retournés contre ces derniers, toujours selon les milieux parlementaires syriens. Ceux-ci vont jusqu’à affirmer que les pourparlers russo-américains aboutiront à un accord détaillé sur la solution qu’ils escomptent en Syrie. Cet accord servira de moyen de pression sur les parties aux négociations à Genève et accélérera une entente sur les contours de la nouvelle phase politique en Syrie.
Lus dans ce contexte, les propos récents du président de la Chambre, Nabih Berry, seraient annonciateurs d’une opportunité de déblocage au Liban. « La paix au Liban et son passage vers l’État ne peuvent se réaliser qu’en dehors des alliances et positionnements actuels. L’intérêt national libanais est absent des épreuves de force intérieures actuelles », avait relevé M. Berry, tout en rejetant l’idée « arbitraire », selon lui, d’un quorum à la majorité absolue pour élire un président. Il en ressort un appel à toutes les parties, à commencer par le Hezbollah, à dépasser les tiraillements internes et à franchir le pas vers un compromis.
En effet, les visiteurs de Aïn el-Tiné expriment la crainte de voir le 8 Mars perdre sa chance de faire élire un président de la République issu du cœur de cette coalition. Des deux candidats du 8 Mars soutenus respectivement par des composantes du 14 Mars, le président Berry aurait conseillé au Hezbollah de voter pour Sleiman Frangié, ce dernier étant susceptible de recueillir le plus grand nombre de votes au Parlement. M. Berry aurait surtout mis en garde son allié chiite contre l’éventualité d’un compromis extralibanais qui le contraindrait à élire un président consensuel, c’est-à-dire qui ne soit issu ni du 8 Mars ni du 14 Mars.
Un diplomate arabe qui réside à Paris rapporte que dans les chancelleries françaises, notamment celles qui suivent le dossier libanais et la présidentielle, l’option d’un candidat consensuel prend forme. Certaines parties françaises plaideraient pour cette option auprès de leurs interlocuteurs internationaux et régionaux. Deux noms de candidats circuleraient actuellement.
Ce diplomate rapporte en revanche le report, par Jérôme Bonnafont, directeur du département du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord au Quai d’Orsay, d’une visite qu’il avait prévue en Iran. Confirmant ce que l’on sait déjà, à savoir que la partie iranienne n’est pas disposée à débloquer la présidentielle, le report de la visite du diplomate trahirait un décalage, voire une perplexité de Téhéran, par rapport aux récents développements régionaux. Si le Hezbollah prend la décision autonome de saisir l’opportunité – qui se resserre – d’élire un président issu du 8 Mars, il ferait d’une pierre deux coups : sécuriser son retour au Liban, et anticiper un compromis qui risque de prendre les Iraniens de court…