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Présidentielle : entre silences, embarras et petits pas

 

La situation

 

Entre silence éloquents, embarras camouflés et petits progrès (dans plusieurs directions), la situation interne reste confuse, malgré le pas déterminant franchi par Samir Geagea en direction de Michel Aoun, vers une sortie de la crise présidentielle.

« Dans des moments comme ça, le silence est préférable… », a lancé hier Nouhad Machnouk qui, avec Nader Hariri, le chef de cabinet de Saad Hariri, a passé en revue la situation à Aïn el-Tiné. Les deux hommes sont repartis de chez Nabih Berry sans souffler mot, sachant par ailleurs que, selon des sources à Riyad citées par le journal as-Safir, on a affirmé que, pour le régime saoudien, en appuyant Michel Aoun, « M. Geagea a commis une faute grave ». MM. Machnouk et N. Hariri, précise-t-on, revenaient d’Arabie saoudite où avec le chef du courant du Futur, ils avaient fait le point de la situation.
Du « brainstorming » de Aïn el-Tiné, on ignore encore ce qui pourrait sortir, encore que le pari de Samir Geagea, c’est que la décision du 8 Mars, et donc au moins celle du mouvement Amal, revient, de facto, au Hezbollah, et que l’éparpillement des voix de ce dernier courant illustrerait, s’il se produit, à la fois la volonté du Hezb de dire non et l’embarras de le dire ouvertement.

Du côté des Kataëb, aussi, on faisait part hier d’un scepticisme pour ce qui est de l’avenir de la candidature de Michel Aoun. Le député Élie Marouni affirmait de plus que le parti continuait d’appuyer la candidature de l’ancien président Amine Gemayel. Toujours est-il que le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a fait savoir qu’il rendra publique sa position aujourd’hui.
Hésitation et embarras sont perceptibles du côté du Hezbollah, qui a purement et simplement reporté à aujourd’hui la réunion hebdomadaire de son bloc parlementaire au cours de laquelle il doit prendre position. Une position qui n’est pourtant pas censée être équivoque, si l’on se base sur les appuis réitérés qu’il a donnés à la candidature de Michel Aoun au fil des mois. Hésiter aujourd’hui, pour la seule raison que les Forces libanaises appuient désormais le chef du bloc du Changement et de la Réforme, serait pour le moins une dérobade embarrassante, sinon un affront à leur grand allié chrétien et à son indépendance de décision.
Du côté des Marada aussi, silence et embarras règnent. Le député Salim Karam a ainsi annoncé hier que Sleiman Frangié a annulé son voyage à Rome, où il avait rendez-vous avec le cardinal Leonardo Sandri, préfet des Églises orientales. Une façon de commencer à se retirer de la course.

Seul le bloc joumblattiste semble avoir fait un pas – encore timide – en direction de l’entre FL-CPL, en accueillant positivement l’entente de Meerab et en maintenant la candidature d’Henri Hélou à la présidence, ce qui peut vouloir dire qu’il ne soutient plus celle de Sleiman Frangié. En tout état de cause, la position de Walid Joumblatt a été interprétée par Michel Aoun et Samir Geagea comme un appui indirect à la nouvelle initiative présidentielle. Les deux hommes ont d’ailleurs remercié M. Joumblatt pour cette déclaration, et le chef du PSP a même eu droit à un compliment du leader des FL, qui a vu en lui « un homme qui respecte le Pacte national ».
Dans les milieux de la presse, on a comparé la position de M. Joumblatt à la Mona Lisa de Léonard de Vinci, qui feint un sourire à tous ceux qui la regardent.

Entre ces tons majeurs, il est aussi quelques demi-tons. Il courait hier en ville une méchante remarque : « Si Michel Aoun est élu, préparez-vous à être gouvernés par Gebran Bassil. » Une remarque que Jamil Sayyed formule différemment : « Interrogé par la presse, Michel Aoun a paternellement dit de Sleiman Frangié qu’il le tient pour un fils… Que ne le tient-il pour un gendre ! » a lancé l’ancien directeur de la Sûreté.

Parviendra-t-on à élire un président « made in Lebanon », comme l’a espéré le patriarche Raï, qui a pris l’avion hier pour Rome, où il sera reçu samedi par le pape ? Non sans un certain angélisme, le président François Hollande a affirmé hier qu’il tentera de raisonner Riyad et Téhéran, pour qu’une spirale vertueuse soit créée dans la région à partir de la crise présidentielle libanaise. Mais si l’on en juge par la radicalisation sur les divers terrains où s’affrontent les deux puissances régionales, rien n’est moins sûr. La conférence de Genève, dont la date est depuis hier flottante, pourrait apporter du nouveau à ce sujet.