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Présidentielle : Washington sollicité pour entrer en lice

 

Jeanine JALKH

Les échéances s’accumulent, et, avec elles, les risques de voir le pays entraîné dans une situation inextricable, d’autant plus que persistent le marasme et une paralysie institutionnelle quasi totale.
En attendant, le Liban tente de parer au pire, comme il le peut, et se prépare, sous la pression grandissante des puissances étrangères, à affronter les dangers qui pourraient pointer du côté de ses frontières sud aussi bien que nord.

Alors que l’armée venait d’achever la première phase d’une opération préventive dans le jurd, qualifiée par nombre d’observateurs de réussite stratégique à plus d’un niveau, les yeux sont de nouveau tournés vers le Sud, où l’armée israélienne a effectué hier des manœuvres à la frontière, suscitant de nombreuses questions sur leur portée. Des drones ont survolé dans la journée les hameaux de Chebaa et le plateau du Golan, alors qu’une unité de blindés et d’infanterie ratissait de son côté la zone de la ligne bleue séparant les deux pays.
À la veille du départ du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à Washington où il doit prononcer mardi une allocution devant le Congrès, les interrogations se multiplient sur les dernières cartes que pourrait jouer le responsable israélien à la veille des élections qui l’attendent à son retour, histoire de les exploiter dans les urnes lors de cette échéance cruciale. Des observateurs craignent en effet la tentation que pourrait avoir Netanyahu de jouer les va-t-en-guerre en prétextant une action punitive contre le Hezbollah – désormais impliqué avec son allié iranien dans une sorte de « front uni » reliant le Liban au Golan. C’est ce qui expliquerait d’ailleurs les craintes exprimées récemment par Washington à l’égard de la situation au Liban-Sud et le forcing effectué par l’Occident en général et par les États-Unis en particulier, pour relancer la dynamique présidentielle, le bastion par excellence à même de sauvegarder l’édifice institutionnel dans son ensemble.

Une chose est sûre : il n’est plus question à ce stade de chercher à libaniser l’échéance présidentielle, tant il est vrai que les efforts en ce sens se sont avérés infructueux. Le blocage qui perdure depuis 9 mois est en soi une preuve que l’élection à la première magistrature ne peut plus, à ce stade des développements locaux et régionaux, être laissée à la seule volonté des protagonistes locaux, enlisés dans un bras de fer qui a abouti à une impasse. La multiplication des rencontres entre leaders chrétiens hors du tandem Aoun-Geagea, d’abord sous la houlette de Michel Sleiman, ensuite, chez Amine Gemayel, est en outre un indicateur supplémentaire du refus de la classe politique chrétienne de l’impasse créée par les deux candidatures chrétiennes « exclusives » qui ont fini par se neutraliser mutuellement. Elle signifie également le rejet du monopole de la question présidentielle par ces deux personnalités.

C’est sous cet angle qu’il faut comprendre la demande exprimée par des responsables libanais auprès de l’ambassadeur des États-Unis, David Hale, dont le gouvernement a été sollicité pour intervenir de manière plus active dans l’échéance libanaise, notamment en définissant une date butoir pour l’élection présidentielle et en soumettant une liste de candidats consensuels.
C’est dans cet esprit qu’il faut également comprendre les déplacements du diplomate américain hier auprès de l’ancien chef d’État, Amine Gemayel, la vacance présidentielle ayant été au centre des échanges. Le peu d’informations distillées à l’issue de la rencontre n’en reflète pas moins les inquiétudes qui ressortent de plus en plus fréquemment de ce type de rencontre. Il a été question des répercussions autrement pesantes de la vacance présidentielle sur l’avenir du pays, mais aussi de la prochaine discussion au sein du Conseil de sécurité portant sur le rapport semestriel sur la résolution 1701 de l’Onu, qui devrait évoquer l’échéance présidentielle. Ce qui constituerait pratiquement une forme de pression internationale supplémentaire pour accélérer la dynamique électorale.

Un déblocage est également attendu au niveau du fonctionnement du gouvernement, paralysé depuis plusieurs semaines par la règle du jeu de l’unanimité à laquelle aucun autre mécanisme ne semble avoir été formellement trouvé encore pour mettre fin à la paralysie. Du moins, c’est ce qui ressort des propos du ministre des Télécommunications, Boutros Harb, qui a considéré hier encore que ce n’est pas la peine de retourner au Conseil des ministres avec des « velléités d’obstruction et une volonté d’hégémonie de la part d’une partie ». Le ministre, qui a rencontré le chef des Forces libanaises, a été jusqu’à parler de « crise de régime ». De sources concordantes, on apprend toutefois que la question du mécanisme en Conseil des ministres serait prête d’être réglée, avec, en toile de fond, une nouvelle entente sur la sémantique cette fois-ci, plus précisément sur le concept du « consensus » au sein du gouvernement et non de l’unanimité qui équivaudrait à un droit de veto pratiqué par l’une ou l’autre partie. Ce n’est pas encore gagné, dira M. Harb, qui a estimé hier que la question « est compliquée et nécessite une plus grande réflexion », laissant toutefois entendre qu’une nouvelle culture comportementale devrait prévaloir, celle qui bannirait de son lexique l’attitude de l’obstruction.