L’éclairage
La campagne contre l’armée et son commandement se poursuit dans toutes les formes possibles et imaginables, et risque d’avoir des répercussions sur le moral des soldats. Le dernier épisode de ce feuilleton destiné à discréditer l’armée s’est traduit par des informations publiées dans la presse du 8 Mars selon laquelle l’Arabie saoudite aurait adressé une lettre aux responsables français leur demandant de geler la livraison d’armes au Liban.
Les médias du 8 Mars n’ont donné aucune justification à cette prétendue décision saoudienne. Mais le ministre de la Défense, Samir Mokbel, a démenti la véracité de ces informations, estimant qu’elles s’inscrivent dans le cadre de la polémique politique autour de l’armée. M. Mokbel évoque devant ses interlocuteurs des rapports occidentaux louant le professionnalisme et la grande efficacité de l’armée libanaise, notamment dans sa lutte contre le terrorisme. Les rapports occidentaux cités par le ministre de la Défense rappellent aussi la cohésion de l’armée libanaise qui est formée de toutes les confessions qui composent le tissu social libanais et estiment qu’elle constitue la garantie de la cohésion du Liban.
Cette campagne contre l’armée semble s’intensifier à la veille des échéances militaires, notamment la fin du mandat du chef d’état-major et celle du directeur du service du renseignement militaire, dans une tentative de faire pression sur les hommes politiques et sur le gouvernement pour les pousser à désigner des remplaçants au lieu de procéder à un nouveau report du départ à la retraite de ces officiers supérieurs.
L’idée du 8 Mars est d’éviter une nouvelle prorogation du commandement de l’armée comme cela a été le cas pour le directeur général des FSI, par le biais d’un décret du ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk.
Des sources proches de Rabieh ont révélé que la décision de M. Machnouk a été perçue comme un message clair que la décision finale sera de maintenir le commandant en chef actuel à son poste pour une durée de deux ans, comme cela a été le cas pour le général Ibrahim Basbous, directeur des FSI.
Pourtant, le ministre de l’Intérieur s’était rendu à Rabieh à la veille de la publication de son décret de prorogation du mandat du général Basbous et il avait refusé que le lien soit établi entre les scénarios des FSI et de l’armée. Nouhad Machnouk devrait d’ailleurs se rendre de nouveau à Rabieh pour discuter avec le général Michel Aoun de tous les sujets d’actualité et en particulier des sujets qui portent sur l’action gouvernementale. Jusqu’à présent, le général Aoun insiste pour que le dossier des nominations militaires figure en tête de l’ordre du jour de la prochaine réunion du gouvernement. Mais les milieux du courant du Futur s’opposent à cette proposition, estimant qu’il s’agit d’une atteinte aux prérogatives du Premier ministre qui est le seul à pouvoir fixer l’ordre du jour des réunions gouvernementales. Sachant que les ministres ont toujours la possibilité de soumettre à la discussion un sujet qui ne figure pas sur l’ordre du jour.
Cette question continue donc de diviser et rien n’indique qu’un accord pourrait intervenir dans un proche avenir. C’est pourquoi de nombreuses parties sont en train de conseiller au chef du gouvernement de prendre son temps avant de convoquer un nouveau Conseil des ministres. Il s’agirait de profiter de la trêve du ramadan pour tenter de trouver des solutions acceptables pour tous. Il a été ainsi question de reporter l’âge de la retraite de plusieurs officiers, dont le général Chamel Roukoz, gendre de Michel Aoun, ou encore de nommer le général Roukoz à la tête de la Sûreté générale, en redonnant ainsi cette fonction aux maronites, tout en rétablissant la communauté chiite à la direction de la Sûreté de l’État, dans une redistribution confessionnelle des hautes fonctions. Si cette proposition est acceptée, le général Roukoz devra passer à la fonction publique au lieu de la fonction militaire, ce qui signifierait qu’il passe à la retraite à l’âge de 64 ans au lieu de 60 ans. D’autres formules sont aussi étudiées mais dans toutes les propositions, il y a un souci d’éviter de défier le général Aoun pour éviter de le pousser à une réaction radicale qui mettrait en cause la cohésion gouvernementale déjà fragilisée.
Sur le plan du dossier présidentiel, des milieux diplomatiques parlent de nouvelles tentatives de déblocage de la part du Vatican et de la France. Le directeur de la section Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay, Jean François Girault, pourrait ainsi se rendre à Téhéran après la signature de l’accord sur le nucléaire entre l’Iran et les 5+1 (les cinq grands de l’Onu et l’Allemagne). Mais selon un rapport diplomatique parvenu aux autorités libanaises, le dossier présidentiel serait désormais tributaire des développements en Syrie. Il ne serait débloqué qu’une fois la solution à la crise syrienne sur les rails, parce que ce qui se passe dans ce pays peut avoir des répercussions sur le Liban. Selon ce rapport, la Syrie ne devrait pas faire l’objet d’une partition pour l’instant, mais sur le plan du contrôle du terrain, le régime maintiendrait son influence sur la capitale et sur la voie côtière. Les sources de l’opposition syriennes disent exactement le contraire et affirment que ce qui se passe aujourd’hui est le début de la chute du régime avec la prise prochaine de Damas. Ce qui montre bien que l’avenir de la région reste encore flou. Ce qui compte, c’est que le Liban reste une ligne rouge, et la formule de Taëf pourrait servir de modèle aux solutions pour l’Irak et la Syrie.