L’ÉDITORIAL
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L’erreur est humaine, comme tout le monde sait. Reconnaître la sienne est en revanche surhumain, a-t-on pu dire, et c’est particulièrement vrai en politique. C’est à un retentissant mea culpa que vient néanmoins de se résoudre Angela Merkel, à propos de sa politique d’ouverture face à l’afflux de migrants, laquelle avait donné le ton à d’autres pays européens. Largement désavouée aux élections régionales au profit de l’extrême droite, la chancelière allemande reconnaissait ainsi lundi que si c’était à refaire, on ne l’y reprendrait pas.
Depuis 2015, l’Allemagne a accueilli plus d’un million de réfugiés, ce qui n’est pas peu, même pour un pays prospère de 82 millions d’habitants. Le Liban n’est pas exactement prospère ; c’est pourtant d’un même nombre de réfugiés – représentant un bon tiers de sa propre population – qu’il s’est trouvé accablé, sans y avoir jamais donné son assentiment. Élections ou pas élections (et plutôt pas, en ces temps de sécheresse parlementaire), le Liban est, de surcroît, un pays où il ne viendrait à l’idée d’aucun dirigeant de regretter publiquement ses erreurs.
Invariablement désunis, nous sommes, par contre, imbattables dans le registre de la complainte. Le Liban est au bord de l’effondrement : pathétique est le cri d’alarme lancé lundi à l’Onu ; mais il ne semble pas trop émouvoir toutes ces puissances politiques, militaires ou financières réunies à New York. Comme pour soulager leurs consciences, celles-ci paraissent bien plus soucieuses en effet de la subsistance, ainsi que du droit à la santé et au travail des malheureux réfugiés que de la survie socio-économique de notre pays promu, bien malgré lui, territoire d’asile.
Même sur le ton du lamento, nos violons ne sont jamais accordés. Alors que le chef du gouvernement, Tammam Salam, s’apprêtait à en appeler à la miséricorde du monde, le ministre du Travail dénonçait, à Beyrouth, le manque de concertation et présentait à la presse un plan circonstancié de retour des réfugiés à leurs foyers. Étalé sur deux ans, celui-ci serait financé en grande partie par les pays arabes épargnés par le tsunami migratoire, autrement dit les royaumes du Golfe. Oooops, c’était oublier que par ses initiatives personnelles, par trop complaisantes pour l’Iran, le ministre des Affaires étrangères nous a mis à mal avec ces monarchies.
Aux Nations unies, on a pu voir ce dernier sagement installé aux côtés du Premier ministre. Hors Onu cependant, on l’a vu aussi se faire le très improbable champion d’une cause bien mal servie pourtant par son parti : celle de l’intégrité socio-démographique du Liban. Car on ne peut, tout à la fois, s’effarer à grands cris de l’invasion de réfugiés et absoudre un barbare régime Assad devenu premier producteur mondial de réfugiés. Pas plus qu’on ne peut cautionner l’irruption du Hezbollah dans la guerre de Syrie qui, en sus de la calamité de l’exode vers le Liban, a attiré, appelé sur lui celle du terrorisme salafiste.
Pour le coup, on se demande où peut encore aller trouver refuge la raison.
Issa GORAIEB