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Que va faire le Hezbollah ?

La question est fondamentale et l’avenir du Liban dépendra de la réponse qui lui sera apportée. Plus que jamais, le Hezbollah est appelé aujourd’hui à se projeter hors des entraves et des exclusives actuelles et à fixer les choix qui détermineront l’état de ses relations avec ses partenaires locaux. Soit il maintient son alignement sur un axe étranger, irano-syro-irakien en l’occurrence, soit il réintègre l’essence même de sa libanité du fait de l’attachement viscéral de ses partisans à la terre qu’ils ont fertilisée de leur sang.

Dans le premier cas, et à la lumière de ce qui se déroule présentement en Irak, c’est la voie ouverte aux scénarios du pire, au réveil des vieux démons tapis dans les poubelles du communautarisme ; dans le second cas, c’est une chance inespérée qui se profilerait alors à l’horizon, celle qui permettrait de rebâtir l’édifice originel hors duquel aucun espoir n’est permis.

L’heure, aujourd’hui, est grave, très grave, et les enjeux qui secouent toute la région environnante sont de l’ordre de la survie. Une problématique existentielle qui met en scène des communautés animées par des haines inextinguibles, des hordes, venues de partout et de nulle part, qui ont réussi la gageure de remettre en cause tous les tracés géopolitiques mis en place depuis des décennies.

Oubliées les révoltes du printemps arabe, enterrées les espérances de sociétés islamiques réconciliées avec la démocratie : aujourd’hui c’est de guerres sunnito-chiites qu’il s’agit désormais, d’un réveil jihadiste incoercible qui arrive à entraîner des dizaines de milliers de partisans dans son sillage, dans la croisade menée contre les « hérétiques ».

C’est évidemment là où le bât blesse, là où se profilent les dangers d’une extension dramatique d’un conflit dont la source remonte à l’intervention américaine en Irak en 2003 : démantèlement d’un État contrôlé par les sunnites, désintégration préméditée de l’appareil militaire, installation d’un pouvoir dictatorial dirigé par un chiite pur et dur, entrée en scène de l’Iran, l’ennemi honni aux visées hégémonistes…

Tous les ingrédients étaient réunis pour paver la voie aux revanchards sunnites, à leur ralliement forcé à Daech, le seul à pouvoir mener la bataille de reconquête par la terreur qu’il sème sur son chemin, par l’islamisation outrancière véhiculée auprès de populations sunnites brimées et humiliées.

Que va faire le Hezbollah ? Que doit-il faire pour éviter que la haine entretenue par Daech ne le rattrape de nouveau au Liban ? L’erreur historique qu’a été son intervention militaire en Syrie aux côtés d’un régime alaouite oppresseur prend aujourd’hui, à la lumière des événements en cours en Irak, une coloration purement confessionnelle parce que intégrée désormais dans un contexte de guerre sunnito-chiite fièrement revendiquée.

Le Hezbollah a-t-il les coudées franches pour envisager un début de retrait de Syrie, une dissociation du conflit communautaire qui ravage ce pays martyr? L’Iran lui permettra-t-il de retrouver une liberté de manœuvre purement libaniste alors qu’il envisage lui-même de porter secours à ses coreligionnaires en Irak et au moment où la direction religieuse chiite à Bagdad multiplie les appels aux armes face à la progression des colonnes sunnites ?

Si, à Dieu ne plaise, le Liban bascule demain dans le chaos auquel on assiste aujourd’hui en Syrie et en Irak, c’est le Hezbollah qui en assumera l’entière responsabilité. Ce sera tout simplement le résultat de l’arrogance dont ce parti n’a pas cessé de faire preuve, des initiatives guerrières qu’il s’est autorisées en dehors de toute concertation avec l’autorité légitime, du mépris qu’il n’a pas arrêté de manifester à l’égard de l’État.

Un État victime de veto et autres exclusives et qui a été privé, par la force des armes et par le chantage, de ses attributs les plus élémentaires…