Caroline HAYEK | OLJ
Quatre mois après les attentats de Paris, le 13 novembre dernier, Bruxelles a connu hier le même sort, suite à deux attentats quasi-simultanés, revendiqués par le groupe État islamique dans l’après-midi. Vers 8h (heure locale), deux explosions ont retenti à l’aéroport international de Bruxelles-Zaventem, provoquant une panique générale. Une heure plus tard, une nouvelle explosion a résonné dans une rame de métro à la station Maalbeek, proche des institutions européennes. Le dernier bilan faisait état de 34 morts et plus de 200 blessés. Si l’on ignore encore l’identité des kamikazes, le mode opératoire est le même que les précédentes attaques parisiennes.
Comme l’explique Claude Moniquet, expert en contre-terrorisme, à L’Orient-Le Jour, il s’agit d’attentats « très ciblés », quasi simultanés, avec « utilisation d’armes automatiques et d’explosifs ».
Quatre jours plus tôt, la capture de Salah Abdeslam, seul survivant du commando auteur des attentats jihadistes du 13 novembre, avait été jugée comme « spectaculaire » par les médias occidentaux, permettant aux enquêteurs de tenter de lever le voile sur l’organisation du commando. Si ces deux faits sont liés, les attentats de Bruxelles « ne sont pas une réaction à l’arrestation du terroriste français », selon M. Moniquet.
« Ce sont des attentats extrêmement compliqués, avec des multiciblages, qui ne peuvent se préparer en 3 ou 4 jours. En revanche, ce qui est possible, c’est que l’arrestation d’Abdeslam ait accéléré un agenda qui était déjà en route », ajoute-t-il.
« C’est toute l’Europe qui est frappée »
Peu après l’annonce des attentats, la sécurité a été immédiatement renforcée dans les aéroports, gares et transports en commun à Paris, mais aussi dans les aéroports de Londres, Francfort, Moscou ainsi que dans les aéroports néerlandais et à la frontière sud des Pays-Bas. « C’est toute l’Europe qui est frappée », a déclaré le président français François Hollande. Même si la Belgique a renforcé sa sécurité depuis les attentats de Paris et a démantelé des cellules terroristes sur son territoire, notamment à Molenbeeck, cela n’aura pas été suffisant pour empêcher un tel drame.
« Nous redoutions un attentat et c’est arrivé », a aussitôt réagi le Premier ministre Charles Michel après ces attentats qu’il a qualifiés « d’aveugles, violents et lâches ».
Depuis des mois, le niveau d’alerte était élevé dans plusieurs capitales européennes, dont Bruxelles. Comment les assaillants ont-ils alors pu passer entre les mailles du filet ? Pour Claude Moniquet, il est « très difficile » pour les villes européennes de faire plus que prévu, car il est impossible de « protéger toutes les cibles potentielles ». « La seule chose que peuvent faire les États européens, c’est mutualiser et augmenter au maximum leurs capacités de renseignement », estime l’expert. Il n’y aurait que le « renseignement préalable » qui permettrait parfois d’éviter ce genre d’attentats.
« Il faut rappeler que des attentats dans ces deux pays ont été déjoués. Malheureusement, face au terrorisme, la sécurité à 100 % n’existe pas », poursuit-il. Le niveau d’alerte antiterroriste est passé hier à son niveau maximal pour l’ensemble de la Belgique, alors que l’état d’urgence a été prolongé en France, le mois dernier, jusqu’au 26 mai prochain.
Coopération intense
Mais qu’en est-il de la coopération entre ces deux États? « Contrairement à ce que je lis dans beaucoup de journaux et à ce que j’entends parfois dans des commentaires, la coopération entre États, et particulièrement celle entre la Belgique et la France, est de très bonne qualité », estime Claude Moniquet. Une coopération « quotidienne » et de « haut niveau » qui, jusqu’alors, fonctionnait plutôt bien, « même si nous vivons et vivrons probablement encore un drame comme celui d’aujourd’hui », poursuit-il.
Si le renseignement est probablement l’un des meilleurs moyens de prévenir ce genre de situations dramatiques, la sécurité risque quant à elle d’être encore plus renforcée. Selon l’expert, « un travail à l’intérieur des frontières européennes, qui est un travail de détection de la menace, de détection du risque et d’arrestations de suspects, est à effectuer ».
La menace terroriste est d’autant plus difficile à contenir qu’elle dépend d’éléments intérieurs et extérieurs comme le conflit en Syrie. Mais plusieurs experts doutaient hier de l’efficacité des frappes en Syrie pour contrer ce type d’attentats perpétré en Europe, par des cellules dormantes formées et armées sur le sol européen. « Plusieurs séries d’opérations vont être menées de manière plus intense en Syrie. À long terme, le but est de détruire le groupe jihadiste. Mais le but tactique, qui, lui, doit être atteint beaucoup plus vite, est d’éliminer physiquement le maximum possible de terroristes européens, engagés sur les territoires syrien ou irakien », estime M. Moniquet, qui ajoute que « ce sont eux qui sont dangereux » car pouvant revenir en Europe et ils doivent être « éliminés en priorité ». Selon les estimations de l’expert belge Pieter van Ostaeyen, près de 562 jihadistes belges ont séjourné ou séjournent encore en Syrie et en Irak.
Si ces mesures peuvent limiter les risques d’attentats terroristes, elles ne permettront pas pour autant de les supprimer totalement. La lutte antiterroriste est en effet aujourd’hui le combat de toute une génération, au nord comme au sud de la Méditerranée, et demandera probablement du temps. Les opérations menées par les groupes jihadistes ont toutefois l’objectif de terroriser les populations et de céder à la panique.