IMLebanon

Question de savoir…

L’ÉDITORIAL

 

Échec au banditisme, échec au terrorisme : deux happy ends survenant à quelques heures d’intervalle le week-end dernier, ça se célèbre.

On respire rétrospectivement ainsi à l’idée de l’hécatombe évitée d’extrême justesse dans la rue Hamra, où un porteur de ceinture explosive a été neutralisé in extremis grâce à la vigilance des services de sécurité qui le tenaient à l’œil. Et on est infiniment heureux pour le septuagénaire Saad Richa, miraculeusement libéré par ses ravisseurs après plusieurs jours de séquestration ; tout le monde n’a pas cette chance hélas, comme le montre le cas de cet infortuné chauffeur de taxi enlevé il y a quelques jours et dont le corps a été découvert hier.

Happy ends ? Oui, mais. Passé le soulagement, se bousculent en effet les interrogations. C’est à la faveur d’une providentielle médiation, a-t-on ainsi appris, que les kidnappeurs de la Békaa ont accepté de relâcher leur proie. Il est évident que dans ce genre de situation, tout médiateur est censé jouir, en premier lieu, de la confiance des deux parties ; mais il peut aussi avoir de l’influence, de l’ascendant, de l’autorité même, sur l’une de celles-ci. C’est bien ce qui a tiré d’affaire Saad Richa, quand on sait le considérable pouvoir de persuasion que détiennent, dans les régions est et sud du pays, deux grandes formations politiques : lesquelles se doublent, de surcroît, de milices bien équipées et aguerries, du genre à être en mesure de faire des offres que l’on ne peut pas refuser.

L’histoire, dans laquelle l’État brille par son absence, ne dit pas si les auteurs du rapt ont cédé à ce dernier argument, s’ils se sont contentés d’une part de rançon, juste pour leur peine, ou s’ils se sont simplement laissé attendrir. Ce que laisse croire l’histoire toutefois, c’est que leur B.A. accomplie, les bandits bénéficient maintenant de la plus totale impunité, à l’instar des dizaines de bandits de tout poil qui continuent d’écumer la Békaa. Que tout cela ne nous empêche pas, bien sûr, de rendre grâces au généreux médiateur, qui a modestement tenu à conserver un très transparent anonymat. C’est bien ce qu’a fait le rescapé. Qui, sacrifiant au triste rituel (on n’est jamais trop prudent), a même dû exprimer sa gratitude émue aux gentils ravisseurs, pour ne l’avoir pas trop malmené.

La deuxième histoire à la conclusion heureuse, la force étatique est loin, cette fois, d’en avoir été absente. Fruit d’une très opportune coopération entre les renseignements de l’armée et de la gendarmerie – le fait fut assez rare hélas pour mériter d’être relevé –, un jeune suicidaire a été maîtrisé alors qu’il était sur le point de se faire sauter dans une des rues les plus passantes de la capitale. Là aussi, on applaudit spontanément à la filature qui a permis aux agents de la sécurité de repérer Omar Assi, puis de lui coller aux semelles. Et là aussi ce bravo vous reste en travers de la gorge ; on se (re)prend en effet à se demander comment diable les gorilles affectés à sa surveillance ont pu laisser le terroriste savourer un expresso et une barre de chocolat dans un café bondé de consommateurs, et puis se poster sur le trottoir, avant de se décider à le maîtriser alors qu’il tentait encore d’actionner le mécanisme fatal.

Pourquoi ne pas avoir arrêté le kamikaze avant qu’il ait gagné le site de son infernal projet ? Pourquoi avoir fait courir d’aussi énormes risques aux promeneurs du samedi soir comme aux agents eux-mêmes ? L’une des particularités de notre charmant pays est que les questions y restent, le plus souvent, sans réponses.

Issa GORAIEB