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Qui est qui ?

L’ÉDITORIAL
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Alliés naturels, vraiment, Donald Trump et Bachar el-Assad, comme s’en délecte déjà ce dernier ? Tout à son allégresse, le dictateur syrien fait dans la confusion des genres, ce qui est tout de même curieux pour un ophtalmologue de formation.

Car même s’il se trouvait concrétisé, un tel acoquinage, si l’on peut dire, n’aurait encore rien de naturel. Malgré toutes les outrances qui ont jalonné sa campagne, le président élu des États-Unis n’a pas encore de sang sur les mains ; et tout en faisant de la lutte contre l’État islamique une priorité absolue, tout en admettant que l’Amérique va se trouver alors du même côté de la barricade que le régime de Damas, il a bien souligné, dans une de ses dernières déclarations sur la question, son aversion pour la personne du tyran baassiste.

Une fois chassé ce naturel contre nature, c’est plutôt une alliance objective que l’on voit donc se dessiner. Ce phénomène consiste, pour une quelconque partie, à en aider une autre par pur intérêt, quand bien même elle n’aurait aucune affinité avec celle-ci. En géopolitique comme en politique politicienne, les exemples abondent ; et par la plus grande ironie, c’est bien l’imbroglio de Syrie qui en est l’illustration la plus parfaite.

Qui aide qui, qui se bat contre qui dans ce pays, pour la plus grande tranquillité d’Israël qui regarde se détruire tout seul son environnement arabe ? Si mouvante est la conjoncture qu’à aucun moment on n’a très bien su au juste. À peine déclenchée une vaste contestation populaire qui se voulait pacifique, c’est ainsi de l’enfer carcéral baassiste qu’étaient délibérément éjectés ces fanatiques du jihad, ce qui permettait à Assad de se poser en seule alternative au chaos. Pour cette même raison, c’est sur les rebelles modérés, notamment l’Armée syrienne libre, que les forces gouvernementales et leurs alliés iraniens et libanais, comme par la suite l’aviation russe, ont longtemps concentré leurs coups. Mieux encore, on a vu les rebelles se battre furieusement entre eux et les pays occidentaux mesurer, chaque jour un peu plus, l’assistance militaire, déjà bien modeste, qu’ils apportaient aux organisations démocratiques.

De mieux en mieux, des royaumes du Golfe ont pris part à la coalition aérienne visant ces mêmes organisations qu’ils finançaient dans le passé. Plus piquant encore est le cas de la Turquie, frappée par ces mêmes bandes qui y trouvaient naguère asile et facilités de passage, qui réagit sur le tard mais trouve moyen de s’acharner surtout sur sa bête noire, les Kurdes.

Mais que dire de l’Amérique : celle de George W. Bush qui embrasa la région sous prétexte d’y instaurer la démocratie ; celle de Barack Obama, qui s’attacha à défaire tout aussi maladroitement ce qu’avait si mal fait son prédécesseur ; et maintenant l’Amérique de Trump qui, à son tour, renverse intempestivement la vapeur ? Tenir tête à la Russie : cette recommandation de matamore émise en fin de règne, le président sortant des États-Unis est bien mal venu de l’adresser à son russophile de successeur, lui dont les tergiversations et les creux ultimatums lancés à Damas ont pavé une voie royale à la chevauchée fantastique de Poutine.

En excluant toute action dirigée contre le régime syrien, pourtant source de tous les maux, Obama a, le plus objectivement du monde, aidé indirectement ce dernier. Ayant fauté par omission, il aura été en quelque sorte le précurseur de Trump qui parachèvera le travail en optant, lui, pour l’action. Avec tout de même le franc-parler en plus. Et l’hypocrisie en moins.