IMLebanon

(Re)diabolisation

L’ÉDITO

 

Ce n’est pas de leur faute. Les Français sont boursouflés de terreurs, de petits effrois, de craintes plus ou moins originelles, comme un animal et sa peur, atavique, du feu. Ce n’est pas de leur faute. Les crises, et leur pays les collectionne, sont des poules pondeuses qui n’accouchent que de clones : les extrêmes. Ce n’est pas de leur faute. Les crises ont aussi ceci de remarquable qu’elles dynamitent la raison de ceux qu’elles frappent de plein fouet, tout en hypertrophiant leurs instincts, leurs pulsions les plus primaires, leurs réflexes et le premier d’entre eux quand plus rien ne va : le repli. Ce n’est pas de leur faute. Même si ce 13 novembre 2015, sans doute un 13-Novembre, aurait dû les alerter, les interpeller, leur imposer un salutaire aggiornamento : non, Daech et le Front national, ce n’est bien sûr pas la même chose ; oui, Daech et ce FN ont un gigantesque plus petit dénominateur commun : leur détermination, métallique, à anéantir l’autre, celui qui ne pense/mange/prie/vit/se cultive pas comme eux. Ce n’est pas de leur faute. Même s’ils avaient dû se rendre compte de l’escroquerie, comprendre, vite, que Marine Le Pen n’est en rien différente de son père, qu’elle sait juste se maquiller, bien plus, bien mieux. Ce n’est pas de leur faute. Le problème, c’est leurs dirigeants successifs, de Mitterrand à Hollande, en passant, naturellement, par Sarkozy : soit ils ont fait le lit du Front national, année après année, en le bordant et en lui chantant de jolies berceuses, soit ils se sont dit que non, ce n’est pas possible, que leurs compatriotes n’oublieront jamais d’où ils viennent, leur génome, leur(s) Bastille(s), les droits de l’homme, leurs Jean Moulin, leur maîtrise d’un exercice particulièrement délicat : la résistance à toutes les nuances de brun. Ce n’est pas de leur faute. Sauf s’ils s’abstiennent de voter ce dimanche : là, quelque chose se sera vraiment cassé. Pas entre ces Français et leurs dirigeants : cela est fait depuis longtemps. Mais entre eux et la France. Donc entre eux et ce qu’éclaire ce phare-France : le monde.