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Retrouvailles Aoun-Geagea à Rabieh : un premier pas vers une réconciliation chrétienne générale ?

 

Elle était annoncée depuis quelques mois. Elle était attendue. La rencontre Aoun-Geagea a eu lieu finalement hier. Il s’agit de la première depuis dix ans entre les deux chefs du Courant patriotique libre, Michel Aoun, et des Forces libanaises, Samir Geagea, soit depuis que l’un est rentré au Liban après un long exil et que l’autre est sorti de prison, consécutivement au départ des troupes syriennes du Liban
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À l’époque, les deux hommes avaient échangé deux visites de courtoisie qui n’ont pas eu de suite bien entendu. Aujourd’hui, leurs retrouvailles marquent l’ouverture d’une page qu’ils veulent nouvelle dans leurs rapports. « Si seulement cette réunion avait eu lieu trente ans plus tôt. » Ce sont les premiers mots prononcés par Samir Geagea au cours de sa conférence de presse conjointe avec Michel Aoun, à Rabieh. Celle-ci a suivi la lecture donnée conjointement par Ibrahim Kanaan, député CPL, et Melhem Riachi, responsable du service de communication au sein des FL, de la déclaration d’intentions CPL-FL, un texte en seize points qui comporte les principes généraux sur base desquels les deux partis doivent fonder leur dialogue.

Les faits d’abord : c’est peu après 17h que le chef des FL, accompagné de Melhem Riachi, est arrivé à Rabieh où il a eu un tête-à-tête de 25 minutes avec Michel Aoun, avant que les deux hommes ne tiennent une réunion élargie en présence de MM. Riachi et Kanaan, au cours de laquelle chacun d’eux a exprimé sa joie pour le succès du processus qui a permis ces retrouvailles, puis de passer en revue l’actualité politique locale en commençant par le vide présidentiel, l’affaire du gouvernement et des nominations, en passant par le dossier des réfugiés syriens et de Ersal, pour finir avec la polémique autour des réunions parlementaires et de leur ordre du jour.
Chacun des deux a donné son point de vue et son analyse de la situation, sans que l’un ne reproche à l’autre sa position, n’essaye de convaincre l’autre du bien-fondé de la sienne ou encore de le rallier à sa cause. Toutes ces questions doivent être cependant abordées plus tard, à la faveur des réunions que des représentants des deux formations doivent tenir dans le cadre du dialogue qui repose sur la déclaration d’intentions.

Au terme de la réunion, Michel Aoun a essayé de retenir ses hôtes à dîner, mais le chef des FL devait partir. Ibrahim Kanaan et Melhem Riachi ont donné lecture du document dans lequel le CPL et les FL affirment s’être mis d’accord sur la nécessité d’adopter une nouvelle loi électorale assurant la juste représentativité des différentes composantes du peuple libanais.
En plus des grands principes basés sur la sauvegarde de l’identité du Liban et le maintien du dialogue, le CPL et les FL se sont accordés sur l’importance d’améliorer la « représentativité des forces politiques au sein des institutions », une représentativité qu’ils estiment basée sur une « mauvaise application de l’accord de Taëf ». Affirmant la nécessité de respecter la Constitution, les deux formations ont également convenu de « la légitimité de l’armée et des forces de sécurité de l’État », et souligné leur concordance de vues sur plusieurs autres questions, dont un règlement rapide du dossier des réfugiés et la procédure de gestion des finances publiques. Si elles considèrent que la rivalité politique est légitime, voire nécessaire pour asseoir les bases de la démocratie, il n’en demeure pas moins qu’elles estiment que les principes constitutionnels ou en rapport avec le pacte national doivent être maintenus en dehors du cadre de la rivalité politique.

Verrouillage de la scène chrétienne ?
Leur succédant à la tribune, Samir Geagea et Michel Aoun ont souligné leur attachement à concrétiser les principes énoncés. « Le principal objectif de ma visite à Rabieh est de permettre le rapprochement entre les deux plus grandes forces politiques chrétiennes sur la scène libanaise », a souligné le chef des FL, avant de relever que celui-ci peut avoir un impact positif sur la situation au Liban.
Mettant l’accent sur la nécessité de « trouver un moyen pour sortir de la situation actuelle », il a annoncé que les retrouvailles d’hier constituent « le début et non pas la fin du dialogue, après des préparatifs de plusieurs mois ». « C’est maintenant que le travail, au vrai sens du terme, commence. Nous ferons tout pour que cet effort n’échoue pas. Si jamais, au cours du dialogue, nous butons sur des sujets conflictuels, nous les laisserons provisoirement de côté pour plancher sur d’autres dossiers. Il n’a pas été facile d’aboutir à cette déclaration d’intentions qui reflète en définitive l’état d’esprit des deux formations », a-t-il expliqué, avant de faire état d’une entente avec le CPL sur le fait que la loi électorale et la naturalisation des émigrés libanais qui ont perdu leur nationalité doivent figurer en priorité à l’ordre du jour de la première réunion parlementaire.

D’aucuns ont vu dans ce discours hier une volonté de verrouillage de la scène chrétienne, excluant les autres formations chrétiennes. Mais de sources proches des deux leaders, on indique qu’on reste pour le moment dans le domaine théorique, la seconde phase du dialogue devant porter sur une concrétisation des principes énoncés dans la déclaration d’intentions pour pouvoir élargir la réconciliation interchrétienne et y inclure à terme le chef des Marada, Sleiman Frangié, et le leader des Kataëb, Amine Gemayel.
Des commissions doivent être formées dans un proche avenir à cette fin, à l’initiative notamment de MM. Kanaan et Riachi. Elles feront appel à des experts pour les sujets techniques et n’hésiteront pas à solliciter le concours de leurs deux leaders respectifs pour les questions épineuses.
L’important, aux yeux des deux formations, est que la liaison entre Rabieh et Maarab a été rétablie, ce qui ne manquera pas d’avoir un impact positif sur la scène chrétienne. Le général Aoun est attendu maintenant à Maarab au moment où les artisans de la déclaration d’intentions doivent s’atteler à établir le programme des rencontres à venir au niveau des experts pour consolider le document.

Ceci ne signifie pas pour autant qu’entre MM. Aoun et Geagea, une lune de miel vient de commencer. Les sujets de désaccord entre eux restent nombreux et les obstacles qui se dressent sur la voie de ce dialogue le sont autant. Le chef des FL reste extrêmement sévère à l’égard du CPL qui bloque, avec le Hezbollah, l’élection d’un président de la République.
Aujourd’hui, le Parlement est censé se réunir pour la vingt-quatrième fois afin d’élire un chef de l’État. On sait à l’avance que les députés aounistes resteront chez eux, et que le chef des FL tiendra une conférence de presse pour dénoncer leur comportement et celui de leurs collègues du Hezbollah.