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Rifi à « L’OLJ » : Halte à la politique molle de conciliation avec Aoun

 

Sandra NOUJEIM

C’est avec un souci affiché de « ménager les demandes aounistes » que les différentes parties ont jusqu’à présent réagi à la décision des ministres du Courant patriotique libre (CPL) de ne débattre d’aucune clause à l’ordre du jour du Conseil des ministres, tant que la question des nominations sécuritaires n’est pas résolue. S’estimant « dupé » par le courant du Futur, pour ce qui est de son appui présumé à la nomination du général Chamel Roukoz à la tête de l’armée, et criant haut et fort son sentiment d’être constamment marginalisé – un sentiment accentué par la méthode avec laquelle le départ à la retraite du directeur des FSI, le général Ibrahim Basbous, a été repoussé (par une décision du ministre de l’Intérieur en marge du Conseil des ministres –, le bloc aouniste a réussi, dans un premier temps, à attirer l’attention de ses interlocuteurs. Soucieux de contourner le risque d’une démission des ministres aounistes, d’autant qu’ils bénéficient de la solidarité, confirmée plus tard, des ministres du Hezbollah, des Marada et du Tachnag, le Premier ministre a suspendu, depuis deux semaines, les réunions ministérielles. Il semble que cette suspension, habilement associée à une limite temporelle, ne soit qu’un leurre, qui camoufle un blocage effectif.

Ni les appels de Nabih Berry au dialogue, doublés d’une velléité joumblattiste de concilier la marche des institutions avec les doléances aounistes, ni l’abstention du Premier ministre à recourir à son droit de fixer seul l’ordre du jour des séances – qui lui permettrait pourtant de contourner la demande aouniste de limiter l’ordre du jour à la seule clause des nominations –, ni, enfin, la présomption, sans fondement pourtant, de considérer le gouvernement illégitime en cas de démission des ministres du 8 Mars… ne semblent conforter le camp aouniste. La politique d’arrondissement des angles n’aura fait que prolonger la suspension des réunions ministérielles, qui pourrait fort bien perdurer jusqu’à la date du départ à la retraite, en septembre, du commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, ainsi que du directeur des services de renseignements de l’armée, Edmond Fadel. C’est d’ailleurs cette date butoir qui constituerait le délai fixé par le tandem Berry-Joumblatt pour l’aboutissement de leur initiative, croit-on savoir.

 Il est néanmoins des voix dissidentes, parmi les indépendants et dans les rangs du 14 Mars, qui mettent en garde contre l’attente patiente et tolérante, face à la déliquescence. À l’instar du ministre des Télécoms, Boutros Harb, qui a souligné hier sa position à ce sujet devant une délégation du bloc du Futur, le ministre de la Justice, Achraf Rifi, s’oppose, de manière ferme, à la passivité vis-à-vis des demandes du CPL, par crainte d’un blocage généralisé.
Dans un entretien téléphonique à L’Orient-Le Jour, le général Rifi souligne que « le gouvernement demeurera en mesure de remplir ses fonctions, même si les ministres du CPL et du Hezbollah viennent à s’en retirer ». Il précise que « cette affirmation trouve son fondement aussi bien dans la Constitution que dans le pacte national ». « Revenons à la Constitution et cessons la politique de conciliation molle, au prix de la patrie », a-t-il déclaré.

Il a appelé surtout le 14 Mars et les centristes à arrêter de donner du répondant au CPL. Cet appel se veut réaliste puisque « non seulement la logique qui prévaut n’aide pas à résoudre la crise, mais elle risque de conduire à un écrasement total d’un camp en faveur de l’autre ». « Nous tenons à rester tous ensemble dans l’exercice des responsabilités, mais dans les limites du respect des institutions et des intérêts de la patrie », a souligné le général Rifi.

Préconisant donc un retour au texte, il défend un mécanisme de décision selon lequel « les décisions sont prises par consensus, sinon par vote, à la majorité des deux tiers pour les questions fondamentales prévues par la Constitution, et la majorité absolue pour le reste ». Il critique ainsi l’approbation du mécanisme de prise de décision à l’unanimité, « qui est anticonstitutionnel ». La décision de ne pas avoir recours aux textes, y compris par le Premier ministre pour ce qui est de l’ordre du jour, vise à « gagner du temps » en vue d’une solution qui ne serait pas favorable aux parties indulgentes.

Le ministre de la Justice estime surtout qu’un « coup d’État militaire » n’est pas à craindre, même si certaines parties, notamment l’ancien président Michel Sleiman, sont d’un avis contraire.
« Il est erroné de penser que le Hezbollah tentera aujourd’hui, à l’heure du déclin des capacités iraniennes, de gagner ce qu’il n’avait pas réussi à gagner le 7 mai 2008 », déclare le général Rifi. Il qualifie ainsi de « fictions, tissées par une logique de services de renseignements relevant encore du passé, les soi-disant informations médiatiques sur des problèmes sécuritaires au nord ». Pour Achraf Rifi, « ces propos ne sont pas crédibles et visent seulement à effrayer les gens, à les plonger dans la confusion et à attribuer des rôles sécuritaires à des personnes qui cherchent une place au soleil ».