Les signes de gesticulation politique (ou de la politique de la gesticulation, si l’on préfère) qui ont marqué l’actualité libanaise, la semaine dernière, ont reçu une appellation assez méprisante de la part de certains milieux diplomatiques concernés par le maintien de la stabilité au pays du Cèdre.
Pour ces milieux, braqués essentiellement sur les terribles guerres en cours dans plusieurs États de la région et sur la dernière phase des négociations sur le nucléaire iranien entre Téhéran et les 5+1, les soubresauts provoqués par l’espèce de minifronde conduite par le général Michel Aoun ne sont guère plus, en effet, que des « gamineries » ne méritant pas trop que l’on s’y attarde… et en tout cas ne remettant nullement en question le mot d’ordre international en faveur de la stabilité au Liban.
C’est dire si le mouvement de protestation enclenché voilà quelques semaines par le chef du CPL autour du dossier des nominations sécuritaires, et qui a connu son point d’orgue jeudi dernier, se révélera, au final, n’être qu’un pétard mouillé.
On allait voir ce qu’on allait voir, menaçait Rabieh. En effet, à l’extérieur du Sérail, on a vu une bonne bagarre, comme il y en a des dizaines dans Les Aventures d’Astérix et d’Obélix (mais sans potion magique cette fois-ci), et, à l’intérieur, un pugilat en règle mené contre le chef du gouvernement par Gebran Bassil, candidat notoire à la succession de son beau-père à la tête du CPL et, accessoirement… ministre des Affaires étrangères.
Sur ce tout dernier point, il convient de noter que, le lendemain, l’intéressé est revenu à la charge contre Tammam Salam, utilisant cette fois-ci la tribune du palais Bustros, ce qui a fait grincer des dents dans un certain nombre de chancelleries libanaises dans le monde. À cet égard, un ambassadeur a souligné, en privé, que le siège du ministère des Affaires étrangères n’est pas censé être un lieu de déballage des conflits politiques internes, ni a fortiori une tribune partisane. )
Étrangement « daechisé » par M. Bassil et ses sympathisants au sein du courant aouniste, le Premier ministre, symbole de modération aux dires tant de ses amis que de ses adversaires, allait pourtant se reprendre très vite, conforté par le soutien massif qu’il a reçu à l’intérieur et par la confiance que continue de lui accorder la communauté internationale.
Raffermissant son discours, M. Salam, qui incarne plus que jamais le besoin actuel de consensus intérieur en attendant que se décante la situation régionale, se dit prêt à discuter avec les membres récalcitrants de son gouvernement du mécanisme de prise de décision en Conseil des ministres, mais il assure dans le même temps qu’il ne permettra à personne de pratiquer une politique de blocage.
C’est qu’en plus de ses soutiens naturels représentés par le 14 Mars, le PSP et aussi le bloc berryste, le Premier ministre a clairement bénéficié de l’appui des proches alliés du CPL, le Hezbollah et les Marada de Sleiman Frangié.
Devant ce sursaut de solidarité avec le chef du gouvernement, conforté dimanche dans sa posture par un Saad Hariri qui continue à faire primer les politiques de consensus et de compromis sur toute confrontation, celle-ci étant jugée stérile en l’absence d’horizons clairs dans la région, la question qui se pose a posteriori est de savoir pourquoi le CPL s’était-il à la base lancé dans une bataille manifestement perdante ?
Nombre d’analystes et d’observateurs dégagent, en gros, trois motifs essentiels : en premier lieu, M. Aoun, voyant venir une ère de consensus généralisé avec la signature de l’accord sur le nucléaire, et constatant que cette perspective ne favorise guère son accès à la présidence, aura voulu marquer sa présence sur la scène politique interne par une action forte lui permettant de peser sur la suite des événements.
Deuxièmement, le chef du CPL aura tenté de tester ses alliés pour voir jusqu’à quel point il était capable de les entraîner dans son sillage. Force est de constater que, sur ce point, le résultat est très négatif pour le général Aoun.
Enfin, on considère que les luttes intestines en prévision du scrutin interne du 20 septembre pour désigner la nouvelle direction du CPL ont joué un grand rôle dans le déclenchement du mouvement de protestation, Michel Aoun ayant voulu mettre en avant le candidat Gebran Bassil, véritable inspirateur de ce mouvement.
Celui-ci ayant visiblement tourné court, non seulement au niveau du jeu politique, mais aussi et surtout sur le plan de l’adhésion populaire, les enchères resteront probablement ouvertes pour ce qui est de la succession.
Après ce gâchis, il reste à tirer les marrons du feu, notamment sur le plan de l’opinion chrétienne. Un homme s’y prépare activement : Samir Geagea. Demeuré plus ou moins à l’écart durant la confrontation, le voici qui se propose en « médiateur ». Mais ceci est un tout autre match…