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Salam à « L’OLJ » : L’EI a tué plus de sunnites que de chiites et de chrétiens…

Sylviane ZEHIL

C’est la première fois que le Premier ministre libanais, Tammam Salam, se rend au Palais de Verre pour y représenter le pays du Cèdre à la 69e session du débat annuel de l’Assemblée générale de l’Onu. Depuis son arrivée à New York, son emploi de temps est extrêmement minuté avec des rencontres bilatérales arabes et internationales. L’interview, qu’il a accordée à L’Orient-Le Jour, s’est déroulée quinze minutes après sa rencontre avec le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, dans une des loges assignée au Premier ministre dans l’aire de l’Assemblée générale. L’entretien a eu lieu en marge du sommet climatique de haut niveau organisé par le secrétaire général de l’Onu auquel ont pris part 120 chefs d’État et de gouvernement.

« Nous avons eu de nombreuses rencontres bilatérales avec plusieurs chefs d’État et de gouvernement. Ce matin, nous avons eu un entretien avec le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, et aussi avec les présidents égyptien Abdel Fattah al-Sissi et chypriote Nicos Anastasiades. Des rencontres sont prévues avec le président irakien Fouad Massoum, de Turquie, Recep Tayyip Erdogan, d’Iran, Hassan Rohani, ainsi que le secrétaire d’État américain, John Kerry, le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, et les dirigeants des pays membres du Conseil de sécurité de l’Onu », a indiqué le Premier ministre Salam.

Quelle est la teneur de votre message ?
« Pour le moment, notre message c’est la situation difficile du pays avec la présence de plus de 1 300 millions de réfugiés syriens au Liban. Ce fardeau pèse sur les Libanais, avec une population de quatre millions. Cette question nécessite beaucoup de préparation et de suivi. C’est pour cela que nous essayons d’activer davantage le Groupe international d’appui du Liban, qui doit se réunir vendredi soir. Cette réunion nous permettra de rencontrer tous les participants bilatéralement pour appuyer tous les besoins nécessaires au Liban. »

Vos attentes sont-elles optimistes ?
« Ce sont des attentes nécessaires. Optimiste ? Je n’en suis pas sûr… Mais on doit l’être pour vraiment répondre à l’ampleur à cette situation. Nous avons déjà fait du chemin avec les agences des Nations unies au Liban, telles que le Pnud, l’UNHCR et d’autres agences, pour non seulement venir en aide aux besoins des réfugiés syriens mais aussi pour appuyer les Libanais qui s’occupent de ces réfugiés. »

Avez-vous un chiffre en tête ?
« Nous avons besoin de beaucoup d’aide. Jusqu’à présent, cette aide a été très minime ; elle n’a pu satisfaire les besoins. Par exemple, nous avons les “Multitrust funds” ou (fonds d’affectation spéciale de donateurs) qui n’ont récolté que 40 millions de dollars. Nous attendions 400 millions de dollars à un milliard de dollars pour atteindre le niveau nécessaire. Nous faisons face aussi à un nouveau défi que représente l’attaque des terroristes. »

Sans président, le Liban pourra-t-il conserver sa neutralité et préserver sa politique de distanciation vis-à-vis de la crise syrienne ?
« C’est très difficile. Vous le savez bien, n’importe quel corps a besoin d’une tête. Ne pas avoir de tête, c’est une situation indésirable qui peut nous affecter négativement. C’est ce qui se passe effectivement. C’est pour cela que les factions politiques au Liban doivent réaliser que si elles n’arrivent pas à se mettre d’accord pour élire un nouveau président, le pays va souffrir. Face à cette situation politique interne, le Liban n’est pas favorisé à faire face à d’autres défis. C’est un élément nécessaire, dans le cadre démocratique au Liban, de résoudre cette situation de manière favorable pour le pays. »

Avez-vous discuté de la neutralité du Liban ?
« C’est la politique de dissociation vis-à-vis de la crise syrienne que nous suivons. Nous y tenons, si nous avons le moyen de la tenir et de la favoriser. Cette politique a servi le Liban. Nous espérons continuer dans la même voie, même dans la situation où le terrorisme n’est pas très facile à combattre. »

Daech est maintenant à nos portes. Le Liban est devenu une nouvelle arène dans sa guerre contre les « infidèles ». Quels sont les dangers pour les chrétiens du Liban ? Faut-il qu’ils pensent à partir du pays du Cèdre ?
« Les dangers de ce nouveau monstre de terrorisme ne sont pas seulement contre les chrétiens, mais contre tout le monde. Ces monstres ont tué plus de musulmans sunnites que de chiites et de chrétiens. Effectivement, les chrétiens du Liban, à l’instar de ceux de la région, s’inquiètent. Au Liban, je pense qu’ils sont moins inquiets parce que l’équilibre communautaire libanais, bien que fragile, ne permettra pas que cela arrive comme en Irak. »

Quelle est la stratégie du Liban par rapport à l’État islamique ou Daech ?
« La stratégie est de coopérer avec les pays de la région et avec la communauté internationale. Le Liban ne peut pas aller dans une attitude offensive ; il peut jouer un rôle défensif. Pour cela, il faut que notre situation politique interne soit consolidée et soit mieux traitée. La question de l’élection d’un nouveau président devient une nécessité pour faire face à cette situation. J’aimerais dire encore une fois qu’il faut rassurer les chrétiens du Liban ainsi que tous les Libanais que leur pays restera là en force tant que toutes les parties peuvent résoudre leurs problèmes sans aller vers des différends qui ne servent personne. »

Quels sont les enjeux auxquels fait face le Liban avec le retrait des troupes de l’Onu du Golan ? La Finul risque-t-elle de perdre son efficacité ?
« Je n’ai pas l’impression que cela va affecter la Finul au Liban. J’espère que nous n’arriverons pas à cette situation. J’espère aussi que le secrétaire général de l’Onu fait tout le nécessaire pour résoudre la situation au Golan. Aussi cela dépend de la nouvelle offensive contre l’État islamique. Attendons voir ce qui va arriver. »

Nous sommes en marge d’un sommet climatique qui se déroule à l’Onu. La lutte contre les dérèglements climatiques est-elle une priorité du Liban ?
« Il y a beaucoup à faire dans ce domaine non seulement au Liban mais partout ailleurs. Le Liban suit les grandes puissances. Ce sont elles qui en parlent mais ne font rien. Le Liban doit traiter cette affaire selon ses besoins. Le temps difficile que le Liban a vécu ne l’a pas beaucoup aidé à vraiment s’occuper de ces questions. »