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Samir Frangié, président des « indépendants » du 14 Mars : L’intifada de la paix en marche

Dans trois mois, l’assemblée constituante du Conseil national devra élire les 14 membres de son bureau exécutif.

  1. M.| OLJ

Qu’ils soient fervents militants civils, défendant le Conseil national des indépendants (CNI) du 14 Mars comme le support citoyen et transcommunautaire de leurs aspirations de réforme, qu’ils soient blasés ou aigris par ce qu’ils décrivent comme de la passivité, voire l’échec du leadership politique, ou sceptiques, incapables d’oublier la récupération politique de leur cause nationale et craignant qu’un pareil sort ne soit réservé au CNI, tous ces profils étaient néanmoins présents, hier, au Biel, à la réunion de l’assemblée constituante du Conseil national des indépendants du 14 Mars.

Ils étaient au total 284 personnalités non partisanes (sur un total de 350), toutes confessions confondues, issues des milieux médiatique, social, juridique, académique, venues exprimer, ne serait-ce que par leur présence, une même conviction : le 14 Mars 2005 reste le coup d’envoi de l’instauration d’un système démocratique libanais, citoyen et souverain. Et sa nouvelle plateforme, le Conseil national des indépendants, n’en est que le prolongement, avec la nécessaire réadaptation aux défis émergeant notamment à l’échelle régionale. C’est une « intifada pour la paix » qu’évoque ainsi l’ancien député Samir Frangié. Et c’est la foi qu’il profère dans le vivre-ensemble libanais, et le besoin qui naîtra tôt ou tard de le voir, par-delà l’horreur actuelle, vécu à l’échelle de toute la région, qui a conduit 237 membres de l’assemblée constituante à l’élire, hier, à la présidence du Conseil national, dans un pays totalement paralysé où le moindre processus électoral tient désormais du véritable miracle. L’universitaire Faouzi Ferri, qui s’est porté candidat à la dernière minute et à la surprise générale « pour la démocratie », a recueilli 32 voix. Les bulletins restants se sont répartis entre votes blancs (onze), bulletins annulés (deux) et enveloppes vides (deux).

À peine Samir Frangié a-t-il entamé son discours, après l’annonce des résultats du scrutin, en remerciant Faouzi Ferri de sa candidature, que ce dernier le rejoint spontanément à la tribune, la face éclairée par un large sourire. « Il y a deux moyens d’annoncer les résultats du scrutin : celle de la moumanaa iranienne, qui dira que Samir Frangié a été élu moyennant des pots-de-vin assurés par l’ennemi sioniste et impéraliste ; et la mienne, qui vous félicite d’avoir élu un penseur et un militant de l’envergure de Samir Frangié. » Et ce dernier de lui répondre : « Entre Zghorta et Tripoli, le chemin est court ».

« La bataille du lien »

La pensée pacifiste, systématisée par le président du Conseil national des indépendants, semblait déteindre entièrement sur l’assistance, alors qu’il prononçait son discours. « Aujourd’hui, face à l’émergence d’une violence folle et insensée, la préparation d’une intifada de la paix au Liban est devenue une question vitale. Nous devons œuvrer dès maintenant à sa réalisation. L’intifada de la paix est le seul moyen de protéger ce pays et ses habitants. Elle est également la seule voie susceptible de créer la liaison nécessaire entre le Liban et tous ceux qui nous ressemblent dans le monde arabe, à savoir les forces modérées qui luttent contre la violence, la discrimination et l’extrémisme sous toutes leurs formes. » L’enjeu est de chasser le réflexe de repli communautaire qui mine la construction participative des démocraties pluralistes du pays et de la région.

Ce combat des modérés, Samir Frangié le résume par cet oxymore qui balaie la violence : « Notre bataille est une bataille du lien, de la culture du lien, contre la culture de la division et de la ségrégation. » Et l’ancien député d’expliciter sa pensée : « L’essentiel n’est ni le programme, ni la réussite ponctuelle, ni les analyses. L’essentiel, c’est notre aptitude à communiquer entre nous et avec les autres. Nous ne pourrons affronter la politique de division que par une politique de liaison. Pour mener cette bataille, il est crucial de créer des appareils durables. »

Le Conseil national des indépendants du 14 Mars devrait fournir le cadre de ces instruments : est prévue en effet la création de plusieurs commissions spécialisées, qui couvriront tous les domaines allant des droits de la femme au travail de mémoire. Le choix est donné aux 350 membres de l’assemblée constituante d’adhérer à la commission qui correspond le mieux à leur engagement.

Des élections, auxquelles a convoqué hier Samir Frangié, doivent également avoir lieu dans trois mois pour pourvoir aux 14 sièges du bureau exécutif du CNI. Le délai de dépôt des candidatures, ouvertes à tous les membres de l’assemblée générale, qui a commencé à courir hier, sera clos dix jours avant le scrutin. Le temps sera ainsi donné aux membres du Conseil de mener campagne et de mieux se connaître afin de garantir des élections libres et transparentes.

« La complémentarité avec les partis »

« Le terme indépendant du 14 Mars signifie un engagement total en faveur de la cause du 14 Mars, indépendamment de tout parti et de toute autorité de référence », a affirmé pour sa part le coordinateur général du 14 Mars, l’ancien député Farès Souhaid, à l’ouverture de la séance. « Ce sont les indépendants du 14 Mars qui sont sortis spontanément dans la rue dès l’instant fondateur de l’intifada de l’Indépendance, le 14 mars 2005. Ce sont eux qui participent aujourd’hui à la création et la structuration du Conseil national des indépendants. Ce sont eux qui n’ont jamais renoncé à l’unité nationale comme seule option pour le Liban. Ce sont eux qui s’engagent aujourd’hui pour un État civil et vont jusqu’à défendre une séparation entière de la religion et de l’État », a-t-il ajouté. Il a conclu enfin sur « la complémentarité entre les indépendants ayant adhéré au 14 Mars et ceux qui y œuvrent à travers leurs partis respectifs dans le cadre de structures existantes, notamment le secrétariat général ».

Effectivement, la décision des partis politiques, il y a un mois, de se retirer de ce qui était, à la base, un projet fédérateur de Conseil national du 14 Mars ne les a pas empêchés de déléguer hier des représentants, membres pour la plupart du secrétariat général du 14 Mars, en observateurs. Ainsi, les Kataëb étaient représentés par Sassine Sassine et Chaker Salamé, les Forces libanaises ont délégué Nadi Ghosn, Eddy Abillamaa, Fady Moussallem et Hani Safi, et le courant du Futur les députés Ahmad Fatfat, Jean Oghassabian, Ammar Houri, Khodr Habib ainsi que l’ancien député Ghattas Khoury. Le chef du Parti national libéral, Dory Chamoun, était également présent avec le secrétaire général du parti, Élias Abou Assi. Parmi les autres membres du secrétariat général du 14 Mars, le député Marwan Hamadé se trouvait également parmi les observateurs, auxquels le député Robert Ghanem a également choisi de se joindre.
La présence symbolique des partis devait attester du rapport de complémentarité que le CNI souhaite établir avec les composantes partisanes, dont il ne se veut ni le substitut ni le rival. D’ailleurs, certains partisans du 14 Mars ont décidé de participer, à titre individuel, à l’assemblée générale hier, et la porte leur a été grande ouverte.

Géré par le doyen du Conseil, l’ancien président du conseil municipal de Baalbeck Ghaleb Yaghi, qui présidait l’assemblée générale, le déroulement des élections s’est déroulé avec l’aide de deux jeunes membres du CNI, la journaliste Racha Halabi et le politologue Karim Rifaï. Posant hier aux côtés de Samir Frangié, en qui beaucoup reconnaissent la « conscience vivante de l’intifada citoyenne du 14 mars 2005 », ils renvoyaient l’image d’un pluralisme entendu, qui ne demande plus à être reconnu.