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Schizo diplo

L’ÉDITORIAL

 

C’est en arguant du cas spécifique libanais que le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil a expliqué le refus de notre pays de s’associer aux texte adopté à l’unanimité dimanche dernier par la Ligue arabe, réunie au Caire. Dans ce document, les États membres exprimaient leur totale solidarité avec l’Arabie saoudite, face aux agressions dont ont été l’objet les représentations diplomatiques du royaume en Iran ; faisant cause commune cette fois avec l’émirat de Bahreïn, qui est en butte à une contestation chiite, la Ligue qualifiait en outre le Hezbollah d’organisation terroriste.
Sur ce dernier point, nul ne songerait sérieusement à contredire le ministre Bassil. Le Liban officiel, soucieux de préserver la stabilité interne, n’a en effet ni la volonté ni les moyens de désigner comme terroriste une milice solidement installée au Parlement comme au gouvernement : et qui, avec son impressionnant arsenal, est parfaitement en mesure, elle, de menacer à tout moment ladite stabilité.
Quant au reste hélas, l’argumentaire du ministre ferait sourire, n’était le tragique de la situation. C’est notamment le cas quand il condamne les attaques contre l’ambassade et le consulat saoudites, mais pour souligner dans le même temps son souci de ne pas s’ingérer dans les affaires d’autrui (?) et de se tenir à distance de cette crise. Distanciation libanaise à géométrie variable, faut-il croire, du moment que le ministre Bassil et le parti dont il relève ne trouvent rien à redire à la participation du Hezbollah aux combats de Syrie.
Le comble de l’inconsistance cependant, c’est quand le patron du palais Bustros chante la vocation du Liban à rassembler et unifier les rangs arabes, plutôt qu’à les diviser : cela alors même que pour la première fois dans les annales diplomatiques du pays, notre pays est seul à s’exclure lui-même de l’unanimité arabe. Si le ministre est à côté de la plaque, il ne peut espérer tromper son monde, surtout quand il se félicite de la compréhension dont a bénéficié, à la réunion du Caire, la position libanaise. Car à l’évidence, cette compréhension ne procédait guère d’une quelconque admiration pour la sagacité, l’habileté, la roublardise d’un petit pays demeuré, contre vents et marées, fidèle à une lointaine tradition d’excellence diplomatique. Non, ce n’était là que compassion, que charitable prise en compte des plaies dont souffre un État miné de l’intérieur comme du dehors, et qui n’est plus que l’ombre de lui-même. C’est seulement de circonstances atténuantes que l’on a charitablement gratifié le Liban, et il n’y a vraiment pas de quoi en tirer gloriole…
Au demeurant, cette fausse perception des réalités n’est guère propre à la politique étrangère : c’est la politique tout court qui, en ce moment, est en proie à une étrange forme de schizophrénie. On voit ainsi le chef du courant du Futur dénoncer la prestation libanaise à la conférence du Caire, pourtant endossée par son allié le Premier ministre (qui se trouve être tout autant un protégé de l’Arabie saoudite). On voit de même le Hezbollah revenir publiquement, par la bouche de son numéro deux, le cheikh Naïm Kassem, à son rêve de jeunesse – l’État islamique – alors même qu’il se pose en protecteur des minorités, par opposition au fanatisme assassin de Daech. Canular, bluff colossal ou incroyable virage à 180° ? On voit enfin les Forces libanaises de Samir Geagea menacer soudain de succomber au charme présidentiel de leur vieil ennemi juré, le général Michel Aoun.
Peuple déboussolé attend explications…