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Secousses sécuritaires minimes aux visées imprécises

 

Sandra NOUJEIM 

Malgré les secousses sur le front du Qalamoun, provoquées par une offensive des jihadistes, repoussée hier par le Hezbollah, les mêmes questions sur la survenance de la bataille et ses enjeux réels persistent. Que vaudrait une victoire du parti chiite et du régime syrien au Qalamoun ?
Dans une perspective optimiste, cette victoire contrerait, d’un point de vue stratégique, les tentatives des forces rebelles de sécuriser un couloir entre le Qalamoun et le littoral syrien, à travers Lattaquié. Elle assurerait aussi un renflouement visible et médiatisé du régime syrien, qui essuie de lourdes pertes sur le terrain, selon les observateurs. En parallèle, le Hezbollah marquerait un point positif à l’intérieur, en sécurisant les frontières Nord du Liban.
Néanmoins, cette bataille n’est pas sans risques pour le Liban : non seulement elle porterait un nouveau coup au principe selon lequel seule l’armée est habilitée à protéger les frontières, avec l’aide éventuelle de la Finul, mais elle pourrait provoquer une nouvelle bataille entre l’armée et les jihadistes aux frontières – une bataille que l’armée n’aurait pas demandé.
Pourrait-il s’agir d’une reddition du scénario de Ersal en août dernier, que certains observateurs avaient lié à une tentative de « coup d’État » par le Hezbollah, avec l’aide de l’armée, contrée in fine par le général Jean Kahwagi ? Tous les observateurs disent attendre, pour l’instant, l’allocution aujourd’hui du secrétaire général du Hezbollah.
Où situer par ailleurs les menaces de nouveaux assassinats politiques, les dernières en date étant dirigées contre des personnalités de Saïda, à la fois du Futur et du Hezbollah ?
Selon des informations révélées hier par le quotidien al-Liwa’, les services de sécurité auraient en effet déjoué des tentatives d’assassinat de personnalités de Saïda, qui visaient notamment la députée Bahia Hariri, son fils, Ahmad Hariri, secrétaire général du Futur, le secrétaire général de la « Fédération internationale des ulémas de la résistance », cheikh Maher Hammoud, ainsi que Mohammad Dirani, responsable au sein des Brigades de la résistance, affiliées au Hezbollah. Des personnes impliquées dans la planification de ces assassinats auraient été arrêtées. Alors que de nombreux notables de la ville du Sud ont multiplié hier leurs visites de solidarité au domicile de Bahia Hariri à Majdelyoun, les milieux de la députée se sont contentés de confirmer ces informations à L’Orient-Le Jour, en signalant qu’elle en avait déjà été prévenue, « il y a quelques jours, par des services de sécurité ».
L’on apprenait en outre que les personnes arrêtées dans l’affaire sont affiliées au réseau dit de Charhabil (quartier de Saïda, perquisitionné par l’armée, qui comptait des partisans d’Ahmad al-Assir). La menace émanerait donc des fondamentalistes…
Néanmoins, des milieux informés du 14 Mars tendent à amoindrir la portée de ces menaces, laissant entendre que celles-ci pourraient servir de justificatif à une prochaine opération militaire à Saïda, dans le quartier de Taamir.
Un député du Futur rappelle pour sa part que « le 14 Mars fait constamment l’objet de menaces d’assassinats de la part du Hezbollah, en fonction de l’urgence des besoins politiques de ce dernier » : c’est l’un des paradoxes qui vicient le dialogue Hezbollah-Futur, dont la 11e séance s’est tenue hier soir à Aïn el-Tiné. Selon un communiqué conjoint, les deux partis ont évalué la situation sécuritaire et souligné en outre « la nécessité de préserver la continuité des institutions ».
Un député du Futur tend néanmoins à situer en dehors des tensions Hezbollah-Futur les menaces récentes dirigées contre les figures de Saïda.
Le député ajoute par ailleurs que « la situation ne présage d’aucun changement : tant que des parties disent être dans l’attente d’un changement régional, cela signifie que nous sommes dans l’attente de rien ».
Ce constat épouse parfaitement le blocage de la présidentielle. L’information selon laquelle Nader Hariri avait prévu de se rendre hier à Rabieh s’est avérée être fausse, souligne le député, qui renvoie au Courant patriotique libre la responsabilité de sa diffusion. « Le CPL cherche encore à coincer le Futur, dont il tente depuis plus d’un an d’extirper un appui à la candidature du général Aoun », souligne le député, se désolant que nous en soyons encore à la case départ.
La même attente vaine, quoique susceptible de d’évoluer, entoure le boycottage de la législation de nécessité par les factions chrétiennes. Le courant du Futur, qui juge « légitimes les peurs actuelles des chrétiens », tente néanmoins de surmonter leurs appréhensions. L’ancien député Ghattas Khoury s’est rendu hier au domicile de Amine Gemayel, et prévoit de se rendre aujourd’hui à Maarab, à cette fin. Sa tournée n’inclut pas pour l’instant Rabieh.
En outre,une rencontre entre le parti chiite et les Marada s’est tenue hier à Bnechii, entre le député Sleimane Frangié et le conseiller du secrétaire général du Hezbollah, Hussein Khalil, accompagné du responsable sécuritaire du Hezbollah, Wafic Safa.
La rencontre Nasrallah-Aoun, jeudi, en banlieue sud semble avoir servi à redéfinir les bases de leur alliance bipartite, qui reste le cadre de toute démarche que le CPL entend entreprendre. Selon un responsable du CPL cité par l’agence al-Markaziya, « les deux parties se sont entendues sur une lecture commune des événements ». Elles auraient convenu notamment de déférer la question des nominations sécuritaires au Conseil de sécurité. Le secrétaire général du Hezbollah se serait en outre montré « compréhensif » face au boycottage du pouvoir législatif.
Pour le Futur, le parti chiite aurait tout intérêt à bloquer le pouvoir législatif, « contrairement à ce que laissent entendre ses déclarations officielles ». Ce blocage achèverait, en définitive, l’entreprise de table rase des institutions, en vue de construire les fondements d’un nouveau système. La crainte d’une Assemblée constituante persiste dans les milieux du 14 Mars.
Le témoignage du député Walid Joumblatt devant le Tribunal spécial pour le Liban aura en tout cas démontré, hier, l’impossibilité, au Liban, de bâtir en politique, en occultant le passé. Il a brisé hier le silence qui avait pesé, pendant 26 ans, sur le dossier de l’assassinat de son père par le régime syrien.