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Silences radio

 

Dure à avaler pour plus d’un, lente à digérer, à assimiler pour un peu tout le monde : telle aura été l’improbable fusion, intervenue lundi, entre deux destins aussi contrastés, et néanmoins comparables, que ceux de Michel Aoun et Samir Geagea.

Face à ce singulier problème d’assimilation, comment s’étonner que l’attentisme soit roi, et qu’il n’y ait rien d’autre à gagner aujourd’hui que du temps ? À ce sport couramment pratiqué en politique, c’est le bloc parlementaire de la Rencontre démocratique, conduit par Walid Joumblatt, qui aura fourni la plus singulière des prestations, lançant, par brassées entières, des fleurs dans toutes les directions. Un bon point est ainsi accordé au tandem Aoun-Geagea, dont la réconciliation pave la voie à une entente nationale. Une mention honorable est décernée au député Sleiman Frangié, coaché il y a quelques semaines par Saad Hariri sur le stade de l’élection présidentielle et promptement adoubé par le leader druze. Qui saisit l’occasion cependant de remettre en piste son candidat de la première heure, le député Henri Hélou.

Toujours au centre, c’est aussi à l’entente nationale qu’appellent, en ses lieu et place, les lieutenants du président de l’Assemblée, qui soutenait également l’option Frangié. Reste à savoir toutefois à quel point est réellement centriste un Nabih Berry notoirement réfractaire au général Aoun mais qui, en dernier ressort, ne pourra qu’entériner le choix de son puissant allié, le Hezbollah.

Aux deux bouts du prisme libanais, c’est le même assourdissant et néanmoins éloquent silence qui continue d’être observé, traduisant le profond embarras de ceux qui furent longtemps les maîtres du jeu. Pour le chef du courant du Futur Saad Hariri, il serait bien difficile de se désengager de l’option Frangié ; mais dans le même temps, il ne saurait se résoudre à un divorce avec Samir Geagea, principale couverture chrétienne du 14 Mars : lequel, à son tour, ne se risquerait probablement pas à une rupture avec le sunnisme modéré, ce qui ne lui laisserait d’autre interlocuteur musulman alors que le Hezbollah.

Plus ironique encore paraît le dilemme du 8 Mars, appelé à se prononcer pour l’un ou l’autre de candidats à la présidence tous deux issus de ses propres rangs, tous deux sponsorisés par une partie ou l’autre du camp adverse ! L’affaire revêt une gravité particulière pour la milice chiite. Ou bien en effet le Hezbollah tranche sans délai le débat Aoun-Frangié, ou bien il se cantonne dans l’expectative : ce qui viendrait donner raison à ceux qui le soupçonnent de vouloir en réalité perpétuer et même approfondir la déliquescence des institutions.

Au milieu de toute cette brume, ce sont des questions d’une rare clarté que posait hier le chef du parti Kataëb. Exprimant son refus de tout président qui serait porteur d’un programme émanant du 8 Mars, Samy Gemayel a renvoyé dos à dos les deux champions actuellement en lice, sans pour autant désigner le candidat de son choix. Mais surtout, il a sommé Michel Aoun de dissiper le flou entourant ses options, compte tenu des engagements on ne peut plus contradictoires qu’il a contractés avec le Hezbollah et les Forces libanaises.

Qu’il s’agisse des implications miliciennes dans la guerre de Syrie ou de la diplomatie outrageusement iranienne pratiquée par son gendre de ministre des AE (qui vient de faire encore des siennes à la conférence islamique de Djeddah), il était grand temps de poser, haut et clair, la question.