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Sleiman : L’avenir des chrétiens d’Orient n’est pas dans l’identification avec des régimes autoritaires

Sous les auspices du secrétaire d’État (Premier ministre) du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, une haute distinction honorifique du Vatican a été remise hier à Rome à l’ancien président de la République Michel Sleiman.
À cette occasion, M. Sleiman a prononcé un discours dans lequel il a évoqué les problèmes du Liban et le rôle qui devrait être le sien, l’émergence des groupes extrémistes dans la région ainsi que les souffrances des chrétiens d’Orient. Pour lui, l’avenir de ces derniers n’est pas dans l’identification avec les régimes autoritaires.
« Je ne vous remercierai assez, Éminence, de l’honneur que vous me faites en me remettant, au nom de Sa Sainteté le pape François, la distinction de chevalier de la Grand-Croix de l’ordre de Pie IX. J’en ressens de la joie et de l’émotion. Par votre intermédiaire, je voudrais lui adresser ma gratitude et lui exprimer mon filial dévouement », a souligné d’emblée l’ancien président.
« Cette haute distinction me conforte dans la voie que j’ai choisie et me donne le courage pour le chemin à parcourir encore. Elle me pousse à garder vivace en moi ce cri lancé par saint Jean-Paul II : Non abbiate paura ! « N’ayez pas peur » !
Et d’ajouter : « Depuis le jour où les pas du Christ foulèrent notre sol, l’élevant au rang de terre sainte, le Liban est resté fidèle aux promesses de son baptême : terre du dialogue, terre de la nécessité (…). Comment oublier l’admiration de Leurs Saintetés pour le Liban ? Du “Liban-aigle” de Pie XII au “Liban-terre d’élection” de Jean XXIII ; du Liban “pays particulier” de Paul VI au “noble pays” de Jean-Paul Ier; du “Liban-message” de Jean-Paul II au “Liban, exemple… dans le sanctuaire de Dieu” de Benoît XVI, et au “Cher Liban” du pape François… C’est dire combien le Saint-Siège a honoré le double engagement du Liban : celui de mettre en œuvre un système politique fondé sur le principe de convivialité entre chrétiens et musulmans sur la base de l’égalité ; et celui de promouvoir les libertés de conscience, d’opinion et d’expression, ainsi que les autres libertés connues dans les régimes démocratiques. »
« L’accord de Taëf, qui a mis fin à la guerre, a consacré cet engagement d’un Liban qui forme une exception dans sa région. Toutefois, ce défi se doit d’être perpétué à travers le dialogue en vue d’éradiquer toute crainte d’injustice et de spoliation chez les composantes de la nation libanaise », a-t-il souligné.
« Durant mon mandat, j’ai œuvré, en toute conscience, à éloigner les spectres d’extrémisme et de divisions de ma patrie, jusqu’à l’adoption de la déclaration de Baabda qui a bénéficié du soutien de toutes les composantes libanaises. Tous ont su, ou sauront, qu’elle protège le Liban et tous ses fils. Il y a deux jours, nous avons célébré l’indépendance du Liban. Combien aurais-je souhaité avoir près de moi, en recevant cette honorable distinction, le nouveau président de la République ou son représentant. D’ici, près de la tombe du Prince des apôtres et face à la statue de saint Maron, je renouvelle mon appel à toutes les parties libanaises concernées, et plus particulièrement aux maronites, les invitant à mettre tout intérêt personnel de côté et se résoudre à élire un nouveau chef de l’État dans les plus brefs délais », a déclaré Michel Sleiman.

Un intégrisme terroriste « étranger à l’islam »
M. Sleiman a poursuivi : « En ce temps de douleurs, et alors que le Liban cherche toujours ses voies de confirmation, que pourrait-il dire à l’humanité troublée du Levant ? Le Moyen-Orient est plus qu’une région. C’est une maison commune. En son cœur, les chrétiens sont partie intégrante et ont toujours épousé ses causes justes. Aujourd’hui, ils ne veulent guère davantage que ce qu’ils réclament pour les autres. En contrepartie, ils ne sauraient accepter moins que ce que les autres exigent pour eux-mêmes. »
« Le Liban ne peut tolérer de voir se vider la Terre sainte de ses fils chrétiens. Proclamer la judaïté de l’État hébreu, agresser le haut lieu saint de l’islam qu’est la Grande Mosquée de Jérusalem et refuser aux Palestiniens le droit d’avoir un État propre sont des actes contraires à la logique du devenir humain et qui ne sauraient rétablir la paix », a-t-il lancé.
« La guerre entamée il y a plus de trois ans en Syrie a submergé le Liban, au-delà de ses capacités d’absorption, par un exode massif de réfugiés qui risque de déstabiliser les structures mêmes du pays. La communauté internationale, avec le soutien du Saint-Siège, est appelée non seulement à y faire face, mais à se mobiliser en vue de leur retour à leur pays », a-t-il poursuivi.
Et d’ajouter encore : « Un intégrisme terroriste, étranger à la religion islamique, a enflammé nos alentours (…). Il a forcé à l’exode des milliers de chrétiens de leur terre natale en Irak et en Syrie. À maintes reprises, il a tenté de menacer l’existence chrétienne au Liban, de déstabiliser l’intégrité de notre pays et de modifier à jamais la face humaniste de notre Orient. »
« Qu’il me soit permis de réitérer que, dans le monde arabe, l’avenir des chrétiens ne consiste guère en une protection militaire étrangère. Il n’est pas non plus dans l’identification avec les régimes injustes et autoritaires. Même sur leur croix, leur témoignage ne saurait être qu’en faveur du respect des droits de l’homme, le droit à la liberté de croyance et de culte, et le droit à la participation de toutes les composantes à la gestion de la chose publique commune, compte tenu de l’apport séculaire des chrétiens à la civilisation, et non de leur nombre », a-t-il expliqué.
« N’est-ce pas cela que stipule l’Exhortation apostolique du pape émérite Benoît XVI, signée au Liban : Ecclesia in Medio Oriente ? Au nom de cette noble mission, en faveur d’un Moyen-Orient et d’un monde plus humains, il est de notre devoir que le Liban continue à faire exister ce qui, sans lui, ne saurait exister », a conclu le président Sleiman.