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Tout rentre (provisoirement) dans l’ordre…

Voilà quelques jours que dans certains milieux proches de Rabieh, on distille volontiers un vocabulaire martial au sujet d’un gouvernement jugé inapte à poursuivre son chemin. La raison en est que le cabinet n’envisage guère de se ranger aux côtés du général Michel Aoun qui le somme de procéder à la nomination de nouveaux chefs sécuritaires au lieu de se contenter de repousser le départ à la retraite des titulaires actuels.
Une expression plutôt violente mais devenue assez usuelle dans le jargon du chef du Courant patriotique libre est revenue à plusieurs reprises, ces trois derniers jours, dans la bouche de certains cadres aounistes : « On va voir ce qu’on va voir… le général va renverser la table… »

Mais au terme de la conférence de presse tenue hier par Michel Aoun, et malgré une nouvelle hausse de tonalité dans le discours – c’est aussi chose courante chez lui –, il fallait se rendre à l’évidence : point de table renversée… Certes, le député du Kesrouan ne s’est pas privé de dire tout le mal qu’il pensait du gouvernement. Il a de plus fustigé implicitement le Courant du Futur pour son refus, jusqu’ici, de conclure un marché avec lui sur les nominations – un candidat haririen à la tête des FSI contre le sien au poste de commandant en chef de l’armée. Et, naturellement, il se devait de saisir l’occasion pour servir à nouveau la recette du système vicié et des chrétiens lésés par Taëf depuis 1990, sans d’ailleurs dire un seul mot sur le rôle du régime syrien dans cette déconfiture chrétienne.

Enfin, pour suggérer qu’il n’oublie pas la présidentielle en panne, il s’est efforcé de faire du nouveau avec de l’ancien en remettant sur le tapis les propositions successives qu’il avait faites à ce sujet, à savoir l’élection du président au suffrage universel à deux tours avec verrouillage chrétien au premier ; un scrutin parlementaire limité aux deux candidats chrétiens les plus représentatifs, ou encore la tenue des législatives sur la base d’une nouvelle loi électorale préalablement à la présidentielle…
Toujours est-il que le chef du bloc du Changement et de la Réforme n’a guère franchi le Rubicon cette fois-ci. Il avait été clairement question d’une annonce d’un boycottage des réunions du gouvernement par ses ministres, ce qui aurait entraîné la paralysie du cabinet Salam, en attendant que ses conditions soient entendues. Une telle décision nécessitait bien entendu un minimum de soutien de la part des alliés du CPL. Il était clair hier, après la conférence de presse, que le général Aoun ne disposait pas de ce soutien. Le Hezbollah, on le sait, a d’autres chats à fouetter pour le moment. Ses priorités sont – géographiquement – ailleurs, ce qui lui impose d’œuvrer pour le maintien du statu quo sur la scène locale. La prestation attendue ce soir de son secrétaire général doit le démontrer.

Pourtant, nombre d’observateurs pensent que dans cette affaire de nominations sécuritaires, le général Aoun paie d’une certaine façon le prix de son attachement à son alliance avec le Hezbollah et l’étroitesse de sa marge de manœuvre à l’égard de ce dernier. Lorsqu’il y a deux mois, il avait fait sa proposition à Saad Hariri, le chef du Futur ne s’était pas prononcé explicitement. Il n’avait pas accepté la proposition, mais ne l’avait pas rejetée non plus. À en croire leurs sources, les haririens attendaient des dividendes politiques de la part du CPL pour conclure le marché. Il y a quelques semaines, le général Aoun avait paru aller dans ce sens en déclarant qu’il serait « prêt à abandonner ceux qui l’abandonnent ». Cependant, aussitôt après, une entrevue était organisée avec Hassan Nasrallah et tout est depuis rentré dans l’ordre, les milieux aounistes recommençant à trouver des justifications à la politique régionale du Hezbollah, notamment en Syrie.
Cela étant dit, il convient toutefois de signaler que la décision de Michel Aoun de ne point rompre les amarres avec le gouvernement semble être aussi le fruit d’un débat interne. Un courant « sage » au sein du CPL aurait, à en croire des milieux aounistes, pris le dessus ces jours derniers dans cette affaire sur la tendance « dure », représentée par le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil.

Reste l’autre dossier qui secoue l’opinion locale ces jours-ci, l’affaire Samaha. La fièvre suscitée par le verdict du tribunal militaire est quelque peu retombée hier, sauf à Tripoli, où les milieux islamistes restent plus ou moins en effervescence. Mais en montant aux créneaux dès le début, le courant du Futur, qui est actuellement une espèce de synthèse (convenue) entre Achraf Rifi et Nouhad Machnouk, a de toute évidence désamorcé la bombe que pouvait représenter cette affaire dans les milieux sunnites.