L’explosion-suicide du terroriste saoudien à l’hôtel Duroy, à Raouché hier soir, a fait onze blessés parmi les civils et les forces de l’ordre. Son acolyte, gravement brûlé, a été arrêté. Un troisième est en fuite. En perquisitionnant l’hôtel pour arrêter la bande, la Sûreté générale a évité à la capitale Beyrouth le bain de sang que les terroristes projetaient.
Alors que les responsables déployaient les contacts et les efforts pour sauver la saison touristique ébranlée par les attentats de Dahr el-Baïdar et de Tayyouné une nouvelle explosion a retenti hier au cœur de Beyrouth. C’était un nouvel attentat-suicide, le troisième en cinq jours. Cependant cette fois-ci, le kamikaze a été été pris de court par les forces de la Sûreté générale qui perquisitionnaient l’hôtel Duroy dans lequel il se trouvait. Le terroriste a été surpris dans sa chambre du quatrième étage de l’établissement ; les forces de la SG ont d’abord lancé une bombe assommante pour tenter d’arrêter le terroriste, qui n’a pas tardé à se faire sauter avec sa charge au moyen d’une ceinture explosive, provoquant un incendie que les pompiers de la Défense civile n’ont pas tardé à contenir, empêchant sa propagation jusqu’aux autres étages. Dans l’entourage de l’hôtel, situé près de l’ambassade saoudienne, dans l’ancien immeuble de la Future TV et du bureau du Parti socialiste nationaliste syrien, les passants ont en effet entendu deux explosions successives, sans grande ampleur, avant de voir la fumée puis le feu s’élever dans le ciel au-dessus de l’hôtel Duroy. La région, bondée notamment par les fans de football qui suivaient le match du mondial dans les cafés, s’est aussitôt vidée en quelques minutes.
« Les gens sont sortis en masse des cafés, cherchant désespérément leurs voitures, et donnant de l’argent aux valets parking pour s’enfuir au plus vite, explique Ahmad, propriétaire d’un café près de l’hôtel. J’ai même vu des liasses de billets tomber par terre, et des mendiants accourir pour les ramasser. L’explosion a semé la panique et l’on n’entendait que des cris et des hurlements de peur. »
Si les touristes et les piétons ont vite fait de déguerpir, l’enceinte de l’hôtel Duroy n’a pas tardé à se transformer en véritable zone sécuritaire, evahie par des dizaines de soldats de l’armée, des forces de la Sûreté générale et des services de renseignements de l’armée, tandis que les sirènes des pompiers et des ambulances déchiraient l’air. Le bilan publié par la Croix-Rouge libanaise fait état de 11 blessés, dont 4 agents de la Sûreté générale, qui ont tous été transportés à l’hôpital américain de Beyrouth.
À l’hôtel Duroy, généralement apprécié des touristes du Golfe, seuls les restes saguilonents du kamikaze ont été retrouvés, mais son complice, gravement brûlé, qui s’apprêtait à se faire exploser aussi, a été arrêté à temps par les forces de l’ordre. Sur Twitter, la Brigade des sunnites libres de Baalbeck n’a pas tardé à revendiquer l’attentat, affirmant que d’autres « moujahidine » sont désormais en sécurité, loin du site de l’explosion, et menaçant le Hezbollah de tous les maux. Les forces de l’ordre, en effet, recherchaient activement dans la nuit un troisième suspect, dont l’identité n’a pas été divulguée, alors que le premier kamikaze était identifié comme répondant au nom de Abdul Rahman Houmayki (20 ans), et le second détenu comme étant Abdel Rahman Soueini, tous deux de nationalité saoudienne. L’ambassade saoudienne a affirmé à ce propos que l’identité du kamikaze pourrait avoir été falsifiée avant de confirmer par la suite qu’il était bien saoudien.
Le massacre évité, déclare Machnouk
Quelques heures après l’attentat, près de l’hôtel Duroy, le calme n’était toujours pas revenu. Alors que l’armée empêchait les journalistes de trop s’approcher du bâtiment, les ambulances continuaient de circuler dans les parages. La grande échelle des pompiers, déployée contre la façade de l’immeuble, permettait l’évacuation de quelques touristes toujours coincés à leur étage. À quelques pas du lieu de l’attentat, des soldats couraient littéralement, en criant, derrière deux voitures aux plaques d’immatriculation syriennes ayant refusé de s’arrêter à un barrage de l’armée. Les passagers ont été alors alignés, haut les mains, le long du mur près du café Starbucks, alors que leurs valises qui se trouvaient dans le coffre du véhicule ont été vidées au beau milieu de la chaussée. Plus loin, l’armée perquisitionnait deux autres hôtels. Leur entrée en trombe à l’hôtel Duroy, en fin d’après-midi, faisait d’ailleurs partie d’une opération plus vaste visant plusieurs établissements hôteliers.
Alors que des rumeurs circulaient parmi la foule des journalistes et des curieux, faisant état d’une voiture suspecte sur les lieux, une valise remplie d’explosifs était découverte non loin de l’hôtel Duroy ; le commissaire du gouvernement près la cour militaire, le juge Sakr Sakr, a chargé l’expert militaire de désamorcer l’engin. Arrivé en catastrophe sur les lieux, le ministre de l’Intérieur Nouhad el-Machnouk, s’est voulu rassurant. « Il s’agit d’une opération préventive, a-t-il dit. Le kamikaze prévoyait de se faire exploser dans une autre région de la capitale mais les forces de sécurité l’en ont empêché. »
Touristes désemparés
En soirée, pendant que quelques passants reprenaient leurs places dans les cafés proches des lieux des incidents, en se disant entre eux mais à haute voix pour se rassurer « qu’ils se sont habitués aux explosions », les touristes habitant les hôtels alentour traînaient avec fatalisme derrière eux leurs valises à roulettes, ne sachant visiblement pas où aller. Sur la terrasse du KFC, une jeune maman syrienne sirotait son coca mi-angoissée, mi-amusée. « Je viens d’arriver d’Alep, racontait-t-elle. Moi qui pensais passer quelques jours calmes, enfin, je ne tarderai visiblement pas à rentrer chez moi. » À deux pas, Hilal, client jordanien de l’hôtel Duroy, faisait les cent pas dans la rue, s’arrêtant de temps à autre pour jeter un regard au balcon noirci du quatrième étage. « Heureusement que ma famille et moi étions dans le café d’en face. Je ne sais toujours pas ce qui est advenu du groupe de touristes venus avec moi de Amman », disait-il, avant de déclarer surpris : « Cela fait une semaine que je suis ici, je n’ai jamais été fouillé à l’entrée de l’hôtel Duroy, ni dans deux autres hôtels où j’ai été. »
À la question de savoir s’il comptait poursuivre son séjour à Beyrouth, Hilal a répondu : « J’attends juste de pouvoir récupérer mes valises pour me rendre à l’aéroport. Je suis venu passer des vacances, pas faire un devoir de jihad ! »