Malgré les variations en degrés d’optimisme sur la date de formation du prochain gouvernement, plus d’une source informée qui suit de près les négociations en cours en vue de la formation du gouvernement prédisent l’annonce de la composition du cabinet dans les prochains jours, peut-être même « demain ou après-demain », à en croire une source du courant du Futur. Le bilan des tractations entreprises dans ce cadre a fait l’objet d’une réunion de synthèse, hier en fin de journée, entre le président Michel Aoun et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, au palais de Baabda.
Il semblerait que la rencontre récente entre le ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ait défait certaines entraves à la formation rapide du cabinet. Selon nos informations, cette réunion aurait notamment initié une réconciliation entre le président de la Chambre, Nabih Berry, et le camp du président de la République.
Subséquemment, une solution intermédiaire aurait été trouvée pour le portefeuille des Finances : alors que M. Berry s’était agrippé à ce portefeuille et à la reconduction du ministre sortant Ali Hassan Khalil, en réaction d’une part à l’insistance des Forces libanaises sur le principe de rotation, et d’autre part, aux réserves du CPL sur la personne de M. Khalil, il aurait été convenu au final de maintenir les Finances entre les mains du président de la Chambre, sans toutefois y reconduire le ministre sortant. La directrice générale du ministère de l’Économie, Alia Abbas, serait pressentie pour ce poste.
En outre, la question de la quote-part ministérielle des Forces libanaises serait en passe d’être résolue de manière à concilier les requêtes des FL et le veto que place le Hezbollah à l’attribution à l’allié chrétien du président Aoun d’un portefeuille régalien ou de tout portefeuille à portée stratégique, comme les Télécommunications (lesquelles, du reste, pourraient revenir aux Marada, possiblement à Bassam Yammine, selon notre informateur).
Le ministre Bassil précisera ensuite, en substance, que le CPL n’avait pas convenu avec les FL de leur concéder un portefeuille régalien, mais seulement de leur assurer une quote-part ministérielle majorée par rapport à la taille de leur bloc parlementaire.
En outre, un critère de répartition des portefeuilles a, semble-t-il, été adopté par les parties prenantes aux négociations, dans la suite de l’entente sur un cabinet de 24 : calquer les quote-parts sur celles du cabinet sortant. Ainsi, les parts respectives de l’ancien président de la République Michel Sleiman et du Premier ministre sortant Tammam Salam iront à leur successeur, de même que, par exemple, sera mesurée la quote-part des FL sur celle des Kataëb dans le cabinet sortant (trois ministères à répartir désormais entre ces deux partis chrétiens).
La seconde règle convenue est de délaisser le principe de rotation et d’en reporter l’application au prochain gouvernement.
Ce faisant, les FL sont ipso facto écartées des quatre portefeuilles régaliens, lesquels devront se répartir comme suit : l’Intérieur au courant du Futur avec reconduction de Nouhad Machnouk ; les Finances à Nabih Berry ; la Défense au président de la République (de nombreux noms de ministrables circulaient hier) ; et les Affaires étrangères au Courant patriotique libre (avec reconduction de Gebran Bassil sur incitation du Hezbollah). Notons sur ce point que M. Bassil s’est rendu hier à Bruxelles – par le biais de Paris – pour une réunion avec ses homologues de l’Union européenne, autour des relations bilatérales et la possibilité d’accroître les aides au Liban dans sa gestion de la crise des déplacés syriens, rapporte notre chroniqueur diplomatique Khalil Fleyhane. L’on peut se demander à quel titre il effectue ce voyage : en tant que ministre sortant des AE, en tant que ministre promis à y être reconduit et anticipant sur ses fonctions, ou en tant que représentant du chef de l’État ?
Empêtrées pour leur part dans les négociations autour de la formation du cabinet, les Forces libanaises avaient initialement réclamé quatre portefeuilles (à défaut de trois qui incluraient un régalien). Un nombre qui se verrait réduit, à la lumière des négociations, à deux ministères auxquels s’ajouterait un ministre indépendant, probablement Michel Pharaon.
Dans ce contexte, une réunion s’est tenue hier soir à Meerab afin de régler la question de la quote-part des FL. Le président du parti, Samir Geagea, a reçu le conseiller de Saad Hariri, Ghattas Khoury, et son chef de cabinet, Nader Hariri, en présence du directeur du bureau de Samir Geagea, l’avocat Élie Baraghid.
Le mutisme sur la teneur des échanges a alimenté des informations contradictoires, certains allant jusqu’à confier à L’OLJ que la participation des Kataëb serait improbable, ce qui pourrait gonfler la quote-part FL.
Une information qui contredit les « conditions du tandem chiite » que Nabih Berry aurait communiquées au Premier ministre désigné lors de leur rencontre samedi dernier, tout en se montrant ouvert à l’option d’un cabinet de vingt-quatre. Berry aurait notamment insisté sur la nécessité de faire participer toutes les parties au gouvernement, précisément les Marada, les Kataëb, le Parti syrien national social et le Parti démocratique de Talal Arslane, rapporte l’agence d’informations al-Markaziya. Notons que Talal Arslane examinerait avec Walid Joumblatt les modalités de sa participation au cabinet de vingt-quatre, après la réduction de la quote-part druze de trois à deux.
D’autres contradictions portent sur certains portefeuilles qualifiés d’importants qui pourraient revenir aux FL : la Justice pourrait compter parmi ces portefeuilles, rapporte une source du courant du Futur, quand bien même ce portefeuille ferait partie des portefeuilles stratégiques que le tandem chiite refuserait à Samir Geagea, au nom de son « droit de regard » sur les ministères de cette nature.
Rien n’est encore sûr, du reste, sur la possibilité pour le tandem chiite de concéder au chef de l’État un ministre chiite, dans la suite de la configuration du précédent cabinet, confie une source du courant du Futur.
En filigrane des négociations, les milieux du 8 Mars évoquent la déclaration ministérielle et les nouvelles polémiques qu’elle risque de susciter.
Samedi, un important déploiement militaire du Hezbollah à Qousseir, aux frontières libanaises, a été perçu comme un rappel, à qui veut l’entendre, de l’envergure régionale du Hezbollah et sa primauté sur les affaires ministérielles internes.
Le ministre iranien des AE devait déclarer, pour sa part,, à l’agence Mehr que « le Hezbollah est considéré comme un élément de stabilisation dans le monde islamique ».
Au Liban, ce sont d’éventuelles entraves à la marche du cabinet Hariri, ou d’éventuelles critiques à sa formation qui auraient fait dire au ministre Bassil (ainsi qu’à Nicolas Sehnaoui) que ce n’est pas ce cabinet, mais le cabinet post-législatives qui sera considéré comme le premier cabinet Aoun. Une source du courant du Futur fait également remarquer que ces propos sont sous-tendus par le paradoxe de la légitimité du Parlement, contestée par le président Aoun avant son élection. Un paradoxe qui ne sera levé que par la tenue des prochaines législatives.