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Un Fitr sous le signe de la réconciliation ?

 

Philippe Abi-Akl

L’étude d’un nouveau mécanisme de prise de décision en Conseil des ministres fera-t-elle imploser le cabinet Salam, ou bien les contacts en cours avant la séance gouvernementale du 23 pourront-ils circonscrire la tempête aouniste et déboucher sur une entente à ce sujet ?

Selon des sources ministérielles, des efforts multidirectionnels sont actuellement menés à différents niveaux, et une multitude d’idées sont sur le tapis afin de parvenir à une formule satisfaisante pour toutes les parties, de manière à ne pas bloquer l’action du Conseil des ministres. Le Premier ministre Tammam Salam avait lui-même affirmé être ouvert à toute formule d’accord, à toute proposition et à tout dialogue afin qu’une telle entente soit possible, dans la mesure où les travaux du Conseil des ministres ne seraient paralysés sous aucun prétexte. Le Premier ministre souligne que le gouvernement n’est pas, à l’heure actuelle, le lieu idéal pour résoudre les conflits entre les parties politiques, au détriment des intérêts des citoyens.

Pour Tammam Salam, l’objectif est dorénavant de dynamiser l’action institutionnelle. C’est du moins ce que M. Salam a confié au président des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, qui s’était rendu mardi soir au Grand Sérail pour exprimer son soutien au chef du gouvernement. Le leader FL a souligné que le Premier ministre était le garant de la continuité de l’État et de l’action gouvernementale, seule institution à fonctionner encore. M. Geagea s’est dit disposé à mener une médiation pour tenter de résoudre le problème entre le Grand Sérail et Rabieh, après la dernière séance du Conseil des ministres, qualifiée par le président de la Chambre, Nabih Berry, de véritable « catastrophe pour tous ».

Les sources proches du chef du Courant patriotique libre (CPL), Michel Aoun, estiment que la première mission du cabinet, le 23, devrait être de s’entendre sur un mécanisme de prise de décision au sein du Conseil des ministres, sur base de la volonté de « consacrer le partenariat national au pouvoir » et de « préserver les droits des chrétiens ou de toute autre composante » et de « traduire concrètement le partenariat à travers la parité prévue par Taëf ». Tammam Salam ne s’oppose pas, selon des sources proches du Grand Sérail, à ces conditions, mais il reste attaché à ce que l’accord conclu consolide l’action du gouvernement et ne bloque pas les séances du Conseil des ministres.

Un ministre raconte que M. Salam avait tenu à adopter un mécanisme d’action fondé sur le consensus absolu en Conseil des ministres sur les questions à l’étude, de sorte que les dossiers conflictuels soient mis de côté et que le gouvernement évite d’avoir recours au vote en l’absence d’accord. Ainsi, toutes les composantes seraient associées à la prise de décision. Or, poursuit ce ministre, certains ont « exploité ce mécanisme dans le sens du blocage du Conseil des ministres, s’opposant à tort et à travers, ce qui a conduit le Premier ministre, incapable de faire la différence entre l’opposition bien fondée et l’opposition à des fins purement politiciennes, à suspendre son activité ». Au lendemain de cet épisode, une nouvelle formule adoptant le consensus comme base pour la prise de décision, avec la signature de toutes les « composantes essentielles » représentées au gouvernement, avait été mise en place, sous le parrainage de Gebran Bassil, souligne ce ministre. Les composantes fondamentales étant principalement le courant du Futur et le CPL, ce qui avait suscité la colère des autres parties au sein du cabinet, désagréablement surprises par cette étrange hiérarchisation, rappelle-t-il. En cas d’absence d’accord, le vote trancherait, selon cette formule, contestée par le Hezbollah et les ministres indépendants.

Des contacts entre les anciens présidents de la République Michel Sleiman et Amine Gemayel avaient aussitôt débouché sur la tenue d’une réunion de la Rencontre consultative, groupant huit ministres, c’est-à-dire le tiers du gouvernement. Une nouvelle « composante essentielle » était ainsi née. Boutros Harb, l’un des membres de la Rencontre, avait informé M. Salam qu’accepter une telle formule reviendrait à paralyser ultérieurement le cabinet, et qu’il valait mieux s’en tenir au mécanisme en vigueur… Et ce fut le cas, pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que le dossier des nominations militaires explose en Conseil des ministres, réveillant la vieille surenchère sectaire sur « les droits spoliés des chrétiens »…

Selon une source ministérielle, d’après une solution actuellement proposée, il s’agirait de diviser les dossiers à l’ordre du jour en trois parties : ceux qui sont d’ordre administratif, libérés des pressions politiques et qu’il est possible d’étudier sans problème et sans se rattacher à la formule de consensus; ceux qui sont politiques, sans être de nature consensuelle, mais qui pourraient avoir des répercussions politiques, sur lesquels il faut donc s’entendre et qui nécessitent un consensus – à défaut de quoi, et en vertu de la Constitution, la solution serait de recourir au vote aux deux tiers ou à la majorité absolue, afin de ne pas bloquer certains sujets en l’absence de consensus ; et ceux qui sont de nature consensuelle par excellence, qui requièrent la signature de tous les ministres et qui ne tombent pas sous le coup des textes constitutionnels prévus par le mécanisme de vote.

Mais la question demeure de savoir quelle est la partie qui va établir des catégories entre les articles à l’ordre du jour, sans tomber de nouveau dans un conflit de prérogatives. D’autant que certaines parties, comme le Hezbollah, qui sont contre ce mécanisme, préfèrent retourner à la première formule adoptée après la vacance présidentielle. Un ministre Kataëb estime qu’il vaudrait mieux effectivement retourner à la toute première formule.

Quoi qu’il en soit, à l’heure où toutes les parties ont proclamé leur attachement au gouvernement et à la stabilité, la fête du Fitr sera l’occasion de tenir plusieurs rencontres de réconciliation et de dialogue entre les forces politiques pour ouvrir la voie à un débat calme permettant de trouver une solution à la question du mécanisme, et faire en sorte que la prochaine séance du Conseil des ministre se déroule dans un climat paisible. L’ordre du jour serait ainsi renvoyé à la séance du 5 août pour étudier la question des nominations, à l’approche du passage à la retraite du chef d’état-major, le général Walid Salmane, le 7 août.