Le septième round de dialogue à Aïn el-Tiné entre le Futur et le Hezbollah s’est clôturé hier soir par un communiqué succinct et opaque, faisant état d’une « poursuite des discussions, et d’une sérieuse avancée sur les dossiers sécuritaire et politique ».
La discrétion qui entoure la teneur des échanges sunnito-chiites incite les observateurs à puiser dans les rares péripéties politiques du pays, les signes de quelque résultat que ce dialogue ait pu avoir sur l’assainissement des rapports intérieurs.
La polémique actuelle entoure, depuis deux semaines, les moyens de concilier, d’une part, la nécessaire relance du travail de l’exécutif, au risque de généraliser le vide, avec, de l’autre, l’impératif de ne pas normaliser la vacance présidentielle.
Alors que certains députés du Futur et du bloc du président de la Chambre ont révélé hier l’éventualité d’une reprise des réunions du Conseil des ministres dès cette semaine, des sources ministérielles n’ont pas confirmé cette information à L’Orient-Le Jour, puisque « nous n’avons pas été notifiés d’une nouvelle convocation d’une réunion du cabinet ». Néanmoins, une avancée certaine a marqué les concertations menées par le Premier ministre pour élaborer une nouvelle formule de travail de l’exécutif. Si cette avancée doit aboutir à une solution effective, celle-ci prendra la forme d’une « déclaration d’intentions, formulée par les ministres, de ne pas bloquer la marche de l’exécutif », confie une source ministérielle à L’OLJ. Il s’agira d’une « déclaration verbale puisqu’un engagement écrit équivaudrait à une révision constitutionnelle catastrophique », explique la source.
Dans cet esprit, le ministre d’État pour la Réforme administrative, Nabil de Freige, décrit à L’OLJ la dimension morale, définie par « les seules intentions », qui sous-tend la démarche de déblocage de l’exécutif. « Ce n’est pas un mécanisme de fonctionnement du cabinet qui doit être convenu, ce mécanisme étant défini déjà dans les textes de la Constitution, à savoir l’article 65 », souligne-t-il. Mais étant donné le prolongement anormal de la vacance présidentielle, que « le législateur n’avait certainement pas prévu », la bonne foi des acteurs politiques devient en partie le gage d’un maintien a minima de la marche des institutions existantes. C’est d’ailleurs cette approche qui avait guidé l’approbation de « l’unanimité » dans la prise de décision du cabinet. « C’est une forme de gentleman’s agreement qui sous-tend les formules convenues », affirme Nabil de Freige.
En dépit de leurs approches différentes sur la marche du cabinet, les différentes parties convergent sur la primauté d’élire un nouveau chef de l’État, ce qui pourrait redonner confiance en un nouveau « gentleman’s agreement ».
Ainsi, ceux qui, comme Joumblatt et Berry, préconisent une application à la lettre du mécanisme prévu par la Constitution estiment que le mécanisme de l’unanimité a nui à la présidence de la République puisqu’il a accordé à chaque ministre une prérogative de blocage, que la magistrature suprême elle-même ne détient pas. Ce souci de préserver la présidence rejoint, paradoxalement, le ferme refus exprimé par les huit ministres, dont sept chrétiens, d’abandonner l’exigence de l’unanimité, par crainte de banaliser la vacance présidentielle. Les parties qui défendent respectivement ces deux positions de prime abord opposées (celle de l’unanimité et celle d’un retour à la marche normale de l’exécutif) s’entendent à qualifier le débat sur le mécanisme de l’exécutif de « superficiel », à l’heure où doivent être favorisés les échanges pour élire un nouveau chef de l’État. Entre les deux, il y a un Premier ministre déterminé à renoncer à l’unanimité, laquelle, en favorisant le ministre roi, a affaibli la présidence du Conseil et l’a surtout retenue d’exercer son droit d’imposer à tout moment la prise de décision par votation en la substituant au consensus.
II est prévu que l’exercice de ce droit de vote par le président du Conseil soit envisagé par la nouvelle formule de fonctionnement de l’exécutif. Il restera la question de l’exercice intérimaire des prérogatives présidentielles : pour les décrets pris en Conseil des ministres, qui requièrent le contreseing des ministres concernés, du Premier ministre et du président de la République, le problème ne se pose pas, puisque les ministres réunis auront déjà approuvé le décret. La question se situe au niveau des décrets internes, relatifs par exemple aux nominations au sein du ministère concerné, qui sont émis par le ministre en dehors du Conseil des ministres et requièrent le contreseing du président de la République. Si la solution est de substituer dans ce cas la signature des 24 ministres à celle du chef de l’État, garantir une absence de blocage par l’un de ses 24 ministres restera pour le moins délicat.
La prochaine étape de l’attentisme politique semble donc être celle des examens d’intentions, à l’ombre du dialogue Hezbollah-Futur.