C’est apparemment une foule très disparate et très colorée qui devrait se rassembler cet après-midi à la place des Martyrs pour se joindre à la manifestation organisée par la campagne « Vous puez ! ». Ce groupe, né des répercussions de la dernière crise des déchets (qui sévit depuis le 17 juillet), se veut un groupe de revendication des droits citoyens, brandissant par le fait même des slogans anticorruption. Certaines figures de jeunes responsables du mouvement sont désormais bien connues des médias : Assaad Thebian, Imad Bazzi, Lucien Bou Rjeili – qui a même été arrêté durant plusieurs heures par les forces de l’ordre durant l’une des manifestations –, Marwan Maalouf…
Durant les manifestations passées, dont certaines ont dégénéré en raison d’actes de vandalisme réprimés trop durement par les forces de l’ordre, le week-end dernier, des slogans de nature politique avaient été scandés par les manifestants. Des slogans assez disparates eux aussi et pas tous nécessairement cautionnés par la campagne, arrivant jusqu’au point de demander un changement radical de système politique.

Depuis les sit-in du week-end dernier, qui se sont terminés en émeutes – en raison de la présence de fauteurs de troubles que certains ont considérés comme de « simples citoyens en colère »–, des observateurs ont noté certaines modifications dans les slogans politiques adoptés, malgré la diversité qui persiste : ce ne sont plus de simples appels à la chute du régime qui sont lancés, mais plutôt à de nouvelles élections législatives, à l’élection d’un président de la République… Tous les leaders politiques sont désormais visés, comme le prouvent les photos et les affiches déjà postées au centre-ville. Et, surtout, la campagne « Vous puez ! » et d’autres campagnes qui sont nées ces derniers jours, comme « Nous demandons des comptes », veulent que soient jugés les militaires qui ont tiré le week-end dernier sur les manifestants. Ils revendiquent notamment la démission du ministre de l’Environnement Mohammad Machnouk.

Les partis politiques ne sont décidément pas les bienvenus à la manifestation d’aujourd’hui : à plusieurs reprises, les principales figures du groupe ont mis en garde les partis contre toute récupération de ce mouvement civil par excellence. Il reste que tous les citoyens, partisans inclus (s’ils viennent en tant qu’individus), sont invités à participer à cet événement.

Tenter de cerner quels groupes seront sur place aujourd’hui tient de l’impossible. Plusieurs organisateurs de la campagne « Vous puez! », sondés par L’Orient-Le Jour, affirment que « c’est le peuple libanais qui manifestera demain (aujourd’hui) à la place des Martyrs ». Ils soulignent toutefois qu’un grand nombre d’organisations de la société civile ont annoncé leur participation au mouvement, notamment des ONG environnementales, comme la Campagne pour la fermeture de la décharge de Naamé et les militants contre l’établissement d’une décharge dans le Akkar, des associations à caractère social, des groupes estudiantins venus de diverses universités, des rassemblements professionnels…

Plusieurs organisations ont d’ailleurs envoyé des communiqués pour confirmer leur participation à la manifestation et appeler d’autres à le faire. Parmi elles, L’Agenda légal a demandé à tous les avocats de participer en force au mouvement « pour défendre les droits et les libertés essentielles », « parce que la crise des déchets est l’expression la plus éclatante du mépris des responsables envers les moindres règles de transparence et de reddition de comptes », « parce que la justice est la première victime de l’effondrement du système judiciaire et de la culture de clientélisme ».

 D’autres organisations, comme l’Union des handicapés du Liban, ont appelé tous leurs membres et amis à se joindre à la manifestation. À noter que parmi les partis, seul le Parti communiste libanais, ou plus précisément son département de jeunes, a déclaré ouvertement sa participation.
Par ailleurs, d’autres collectifs de rassemblement sur les réseaux sociaux comme #ALaRue, #LaissezNousTranquille, #MouvementDesDégoûtés, #NousDescendons… sont actifs et militaient hier pour rassembler le plus grand nombre possible de manifestants. Ils seraient de mouvances politiques différentes à la base (représentant probablement tout l’éventail politique), mais ont décidé, selon les informations recueillies par L’Orient-Le Jour, de laisser les différends politiques de côté en vue de se concentrer sur les revendications qui rassemblent.

Nul doute que les slogans seront très variés aujourd’hui au centre-ville. Mais si les manifestants parviennent à éviter la cacophonie, la voix de la société civile n’aura jamais été plus clairement audible.