LA SITUATION
Va-t-on vers une élection d’un nouveau chef de l’État par sondage d’opinion ? Ce n’est pas exactement ce que propose le Courant patriotique libre, mais ça en a l’air, et cette équivoque ne doit pas être prise à la légère.
En lançant l’idée d’un sondage qui désignerait le pourcentage de voix que recueilleraient les quatre candidats principaux à l’élection présidentielle – Amine Gemayel, Sleiman Frangié, Samir Geagea et Michel Aoun –, ce que souhaite le CPL, c’est prouver que Michel Aoun est le candidat le plus populaire des quatre.
En adhérant à cette proposition, les Forces libanaises prennent un risque, à n’en pas douter. C’est pourquoi, ce parti a pris soin d’affirmer que le résultat sera là « à titre indicatif » et qu’il ne sera pas contraignant, ce qui serait « contraire à la Constitution ».
Le sondage devra être effectué par une ou plusieurs sociétés qui seraient choisies d’un commun accord entre les candidats potentiels. Mais on ne saurait préjuger de l’attitude finale des Kataëb et de la Rencontre consultative, dont les représentativités chrétiennes sont loin d’être négligeables, à l’égard d’un sondage malgré tout ambigu.
Le président Michel Sleiman, lui, ne fait pas dans la nuance. En recevant l’ambassadeur d’Arabie saoudite, il a décrié « ces inventions (qui) contredisent le pacte social ».
De son côté, la Rencontre consultative a précisé que ce ne sont pas les sondages qui font le président, mais la Chambre des députés, et que le président libanais représente non pas la volonté des seuls chrétiens, fussent-ils majoritaires, mais une résultante des volontés de tous les Libanais.
Le gouvernement
À cette actualité politique est venue se greffer, lundi, la décision du Premier ministre de convoquer le gouvernement sans plus tarder, au risque, jeudi, d’une réunion houleuse.
Le CPL, qui tient le mardi sa réunion hebdomadaire, a fait savoir par la voix d’Ibrahim Kanaan qu’il répondra présent à la convocation, mais qu’il exige qu’en tête de l’ordre du jour de la réunion figure la nomination d’un nouveau commandant en chef de l’armée.
Pour le 14 Mars, cependant, l’élection d’un nouveau président de la République prend la préséance sur tout le reste.
Le courant du Futur, qui tient également les mardis sa réunion hebdomadaire, a salué la décision de M. Salam de ne pas se laisser intimider par les menaces de Michel Aoun et de convoquer le Conseil des ministres, tout en se félicitant de ce que la question de la nomination d’un nouveau commandant en chef de l’armée ne figure pas à l’ordre du jour de la réunion.
Que se passera-t-il demain? Une séance houleuse, à n’en point douter, mais peut-être aussi une séance courageuse au cours de laquelle, passant outre aux objections du CPL, le Conseil des ministres pourrait prendre, par vote, des décisions vitales, notamment pour le secteur agricole qui attend des subventions à l’exportation par voie maritime, après la fermeture des voies routières vers l’hinterland.
La zone d’exclusion économique
En attendant que les Libanais s’entendent, le monde ne s’est pas arrêté de tourner. C’est ainsi – et c’est un exemple parmi d’autres – , que le Premier ministre reçoit aujourd’hui l’adjoint du chef du département d’État pour les affaires de l’énergie, Amos Hochstein. Ce dernier arrive ce soir à Beyrouth pour poursuivre la tâche de médiation qu’il a entreprise, il y a un an, entre le Liban et Israël sur la délimitation de la zone économique exclusive du Liban, sur laquelle empiète l’État hébreu, une zone maritime riche en pétrole et en gaz. Tiens…
Par ailleurs, les dossiers en souffrance ne manquent pas. C’est ainsi que les parents de l’un des militaires otages des jihadistes dans le jurd de Ersal entendent couper la route aux ministres, à leur arrivée au Grand Sérail, pour se rappeler à leur bon souvenir.
Parallèlement à ce dossier relevant de l’humanitaire autant que du politique, l’association Solide a soulevé le cas des Libanais emprisonnés à Damas ou disparus durant les années de tutelle syrienne, après la libération récente de deux prisonniers libanais, Ahmad Abdallah et Bahaeddine Succariyé, originaires respectivement de la Békaa et de Tripoli. Tous deux étaient détenus sept années durant dans les geôles syriennes pour appartenance au parti « al-Tahrir » (salafiste).
Cette libération a rouvert, pour Solide, le dossier des personnes enlevées ou disparues et pose à nouveau la question « de la scandaleuse passivité des autorités libanaises » à l’égard de ce dossier.
L’association n’a pas manqué de féliciter les deux hommes pour leur liberté retrouvée et a affirmé apprécier à leur juste mesure les efforts individuels déployés pour obtenir la libération des deux hommes. Mais pour Solide, cette libération « ruine à jamais la thèse selon laquelle il n’y a pas de détenus libanais pour délit d’opinion dans les prisons syriennes ».