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Une journée marquée par l’échange des corps entre le Hezbollah et les jihadistes

Cinq corps de combattants du Hezbollah ont été remis au parti chiite, en contrepartie de neuf dépouilles mortelles de jihadistes de Fateh el-Cham (ex-Front al-Nosra), dans une opération d’échanges sous la supervision de la Sûreté générale (SG), qui a commencé vers midi hier et s’est prolongée jusqu’en début de soirée. C’était la première étape de l’accord qui suit le cessez-le-feu conclu jeudi, entre le Hezbollah et le Fateh el-Cham, après une semaine d’intenses combats dans le jurd de Ersal (Békaa), et qui consiste en un échange indirect de corps de combattants tués.
Selon la télévision al-Manar (Hezbollah), deux des corps des membres du parti appartiennent à des combattants tués lors de la dernière bataille de Ersal, en juillet, deux autres avaient été tués il y a deux ans, et une cinquième dépouille mortelle, qui n’était pas en possession de Fateh el-Cham, mais de Saraya Ahl el-Cham, avait été enterrée au cours d’une précédente bataille. Il s’est avéré qu’il s’agissait de Moustapha Mokaddem.
Les corps des miliciens du Hezbollah ont été transportés du secteur de Wadi Hmayed vers la localité de Younine avant d’atteindre Laboué. Durant toute la journée d’hier, des habitants s’étaient rassemblés aux différentes étapes du transport, notamment à Younine et Laboué, pour réserver aux combattants tombés un accueil de héros. Le long de l’autoroute Baalbeck-Hermel, les ambulances transportant les cercueils ont été accueillies par des slogans pro-Hezbollah et prorésistance. Les familles, elles, ont vécu une longue journée, ponctuée d’informations sur des entraves à l’accord, jusqu’à la délivrance.
Hier, des prélèvements ADN devaient être effectués sur trois corps, deux étant déjà identifiés, Kassem Mohammad Ajami et Ahmad Hajj Hassan. Le convoi transportant les corps de ces deux combattants du Hezbollah est arrivé au poste de l’armée à Laboué peu après 19h. Cependant, l’inhumation d’Ahmad Hajj Hassan a été reportée à aujourd’hui, a-t-on appris en soirée, car son fils et son frère n’ont pas reconnu le corps, ce qui a nécessité de nouvelles analyses ADN. En même temps, un convoi du Comité sanitaire islamique, transportant deux autres corps, ceux de Hassan Ali Charif et de Gahgah Mohammad Jaafar, a-t-on appris plus tard, s’élançait de Wadi el-Khayl vers Younine, où il a été accueilli en grande pompe par les habitants, pour ensuite se diriger vers l’hôpital Dar el-Hikmeh à Baalbeck pour les tests ADN.
D’un autre côté, les cadavres des jihadistes de Fateh el-Cham ont été acheminés à la mi-journée à Laboué, dans les locaux du commandement de la neuvième brigade de l’armée libanaise. La Croix-Rouge libanaise (CRL) les a ensuite transportés vers le Hermel. En fin d’après-midi, les neuf dépouilles mortelles ont quitté l’hôpital Batoul, à Hermel, dans des véhicules du Comité sanitaire islamique en direction de l’entrée de Laboué, où les corps ont été réceptionnés vers 18 heures par la 9e brigade. La CRL devait ensuite les transporter vers Ersal, en attendant de les remettre aux jihadistes.

Une seconde étape à venir
Le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, qui a mené les négociations entre le Hezbollah et les islamistes, s’est rendu à Laboué avant de se diriger vers Ersal pour superviser l’échange des dépouilles mortelles. Il semble qu’une détenue syrienne auprès de la SG, Mayada Alouche, accusée de véhiculer de l’argent vers les jihadistes, a été libérée hier avec son fils et emmenée vers le jurd, dans le cadre de l’opération.
Après l’échange des corps de combattants, la seconde étape de l’accord prévoit la libération de membres du Hezbollah capturés et le transfert vers le nord de la Syrie, à Idleb, de combattants de Fateh el-Cham, ainsi que des civils qui souhaiteront les accompagner. Selon la LBCI, l’échange devrait commencer ce lundi matin, sachant que les détenus du Hezbollah seraient au nombre de huit, dont trois qui se sont égarés dans le jurd durant la dernière bataille.
Selon l’Agence nationale d’information, le nombre de personnes souhaitant rejoindre Idleb (jihadistes et civils réfugiés syriens) s’élève à 10 800. Fateh el-Cham a ainsi fourni aux agences concernées les noms de 7 800 personnes à ce jour. Le groupuscule Saraya Ahl el-Cham, également concerné par l’accord, a fourni les noms de 3 000 de ses combattants et de leurs proches qui souhaitent s’installer dans le Qalamoun syrien.

« Un succès qui facilite la tâche de l’armée »
La bataille de Ersal et son issue rapide en faveur de la résistance ont été au centre de plusieurs déclarations de ténors du Hezbollah durant le week-end. Le cheikh Nabil Kaouk, membre du Conseil central du parti chiite, a rendu un vibrant hommage samedi à la coordination avec l’armée. Dimanche, dans une autre déclaration, il précisait que « le succès de la bataille de Ersal facilitera la libération des zones occupées dans ce qui reste des jurds de cette région ».
Pour Nabil Kaouk comme pour d’autres, « cette victoire est celle de tous ». Le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, le député Mohammad Raad, a insisté sur ce point hier : « Nous agissons suivant nos convictions nationales, et nous remplissons notre devoir envers notre peuple, notre société et notre pays. Nous ne sommes pas mus par des considérations confessionnelles, mais nous traitons avec l’être humain en tant qu’être humain. »
M. Raad a soulevé le point selon lequel Israël devait avoir observé de près la bataille de Ersal, et noté « la rapidité et l’efficacité avec laquelle la résistance a battu les jihadistes dans une zone à la nature difficile » . Une idée qui revient dans une déclaration d’un autre député du bloc, Ali Fayad, qui pense que cette bataille « a renforcé la force de dissuasion contre les Israéliens ». Un troisième député, Hassan Fadlallah, a insisté, quant à lui, sur « la sécurité et la stabilité » renforcées grâce à cette victoire.
Abordant les thématiques de la politique locale, le député Nawaf Moussaoui s’est adressé sans les nommer à ceux qui se sont opposés à cette bataille menée par le Hezbollah, assurant qu’ils se sont « isolés et marginalisés par rapport au consensus national ».
Enfin, la bataille attendue de l’armée contre Daech s’est retrouvée dans une déclaration du ministre de la Défense Yaacoub Sarraf au cours du week-end. Celui-ci a tenu à annoncer « la victoire prochaine, d’ici à un mois au plus tard, étant donné qu’il n’y a pas de victoire sans l’armée ».