L’ÉDITO
Une fois de plus, le Premier ministre français Manuel Valls a fait preuve d’un précieux courage politique en n’hésitant pas à mettre le doigt sur la plaie, sans détour ni complaisance. C’est en effet bel et bien une « guerre de civilisation » qui vise un peu partout l’Europe, et l’Occident en général. Confirmant la vision claire qu’il a de ce défi existentiel, M. Valls a pris soin cependant de bien relever qu’il ne saurait être question de tomber dans le piège de l’amalgame, en percevant le terrorisme jihadiste sous l’angle de la confrontation ouverte entre l’Occident et l’islam.
Il reste que plusieurs observations devraient être mises en relief à l’ombre du déferlement de la démence sauvage qui touche aussi bien la région que divers pays de l’Ouest. Force est de relever, d’emblée, que « l’engouement » de certains ressortissants européens (qui se comptent par milliers) pour le phénomène de l’État islamique est dû, sommairement, à deux facteurs fondamentaux, dépendamment de l’origine, orientale ou occidentale, de ces volontaires à la recherche d’une « vie nouvelle »…
Il paraît d’abord évident que les pays de l’Ouest sont de plus en plus confrontés à un grave problème d’intégration dû à un manque de vigilance en matière de politique d’immigration. Le nécessaire respect des droits humains et du droit humanitaire se transforme en effet souvent en angélisme primaire, déconnecté de la réalité et débouchant sur des situations excessives, sources de réactions populistes alimentant dangereusement les courants d’extrême droite un peu partout en Europe.
Parallèlement, l’évolution dramatique des événements, surtout en Syrie, a illustré l’impact dévastateur que provoque chez certains jeunes Européens le déclin, à un rythme exponentiel, des repères et des valeurs morales sur lesquels sont censées être fondées les sociétés occidentales. Il en résulte que nombre de ces jeunes sont attirés, par une sorte de romantisme idéaliste, par ce qui est perçu (l’État islamique) comme une « révolte » radicale contre la société matérialiste de consommation. Une fois pris dans le piège, et lorsqu’ils sont confrontés à la barbarie meurtrière à l’état pur, nombre de ces marginaux prennent conscience de leur égarement. Mais il est alors trop tard.
Ces deux paramètres à caractère sociétal, propres aux pays de l’Ouest, sont fortement accentués par une double donne géopolitique – dénoncée à maintes reprises dans ces mêmes colonnes –, en l’occurrence la politique du président Barack Obama au Moyen-Orient, d’une part, et la ligne de conduite hégémonique du régime des mollahs iraniens et avec lui du Hezbollah, d’autre part.
Aveuglé par son actuel objectif prioritaire dans la région – l’accord avec l’Iran –, le chef de la Maison-Blanche assure pratiquement, en effet, une impunité totale et un blanc-seing à Bachar el-Assad qui n’en demandait pas tant pour poursuivre en toute liberté ses massacres quasi quotidiens contre la population civile, profitant de la suprématie aérienne que lui garantit le président Obama. Cette stratégie US ne pouvait logiquement déboucher que sur un net renforcement politico-militaire des mouvements jihadistes, avec toutes les conséquences déstabilisatrices que cette montée aux extrêmes provoque, par ricochet, au sein même des sociétés occidentales (et sans doute, plus tard, dans le Caucase).
Cette dangereuse radicalisation sunnite, dont l’impact dépasse donc, désormais, le cadre de la région, est également le résultat direct du comportement aveuglément hégémonique du pouvoir en place à Téhéran et – dans le cas spécifique du Liban – de l’arrogance outrancière du directoire du Hezbollah.
Face à ces tendances centrifuges, qui s’articulent de façon trompeuse sur la religion, la solution se situe, comme l’a souligné fort à propos Manuel Valls, au sein même de l’islam… Plus concrètement, c’est au niveau de l’école, des mosquées, des centres de jeunes, des clubs sociaux que doivent agir sans tarder les pays qui se posent en porte-étendards de l’islam, afin de promouvoir avec force et détermination les valeurs humanistes universelles de tolérance et de respect de l’autre. En peu de mots, c’est d’une véritable révolution culturelle que l’islam a aujourd’hui besoin… Et de façon urgente, pour sauver de l’obscurantisme les pays musulmans, avant même la civilisation occidentale.