« Les législatives d’abord ! » Tel pourrait être le résumé de la séance de dialogue national qui s’est tenue hier à Aïn el-Tiné. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a en effet proposé de tenir les élections législatives avant la présidentielle, ce qui n’a pas été sans susciter les réserves des pôles du 14 Mars. Il a également évoqué la possibilité de reprendre le même package deal adopté à Doha, en 2008, et qui avait permis d’élire le président Michel Sleiman.
Trois solutions pour les législatives
Présent lors de la réunion, le député du Hezbollah, Ali Fayad, a expliqué que M. Berry a émis trois propositions et demandé aux forces politiques d’y réfléchir et de lui donner une réponse, lors de la prochaine réunion de dialogue prévue pour le 21 juin prochain. « Le premier choix proposé par M. Berry consiste à se mettre d’accord sur une nouvelle loi électorale. Le mandat du Parlement actuel sera alors raccourci et les législatives se tiendront. Les différentes parties devront s’engager au préalable à élire un président de la République dans la journée qui suivra l’élection du Parlement », a expliqué M. Fayad. « La deuxième solution sera de tenir les législatives selon la loi appliquée actuellement, et qui est celle de 1960. Le mandat du Parlement sera également raccourci et le mécanisme sera mis en place pour l’élection d’un président. Quant à la troisième solution, elle consistera à établir un nouvel accord de Doha », a ajouté le député. Conclu en 2008 au terme de longues tractations, l’accord de Doha avait débouché sur l’élection par le Parlement du candidat consensuel Michel Sleiman à la présidence de la République ainsi que sur la formation d’un gouvernement d’union nationale composé de 30 ministres, dont 16 appartenant à la majorité, 11 à l’opposition et 3 à la présidence.
« Nous devons nous mettre d’accord sur la loi électorale et mener les législatives, soit selon la loi proportionnelle, soit en reprenant la loi de 1960 selon un package deal comme celui de Doha. Le package deal comprendra un accord sur la présidence et le gouvernement avec un engagement écrit de toutes les forces politiques de se rendre au Parlement pour élire un président », a indiqué M. Berry lors de la réunion. Pour le président de la Chambre, les choses sont désormais claires. « Si après 5 ou 6 mois de pourparlers il n’y a pas de solution en vue, M. Berry prévoit de mener les législatives selon la loi de 1960. Et il est hors de question que le Parlement prolonge son mandat », rapporte une source proche du dossier.
Pour ou contre l’initiative Berry
Les réactions, notamment des composantes du 14 Mars, n’ont pas tardé à fuser face aux propositions de M. Berry. L’ancien Premier ministre Nagib Mikati s’est déclaré sceptique quant à la tenue de la présidentielle. « Une fois le Parlement élu, qui pourra garantir une réunion des députés pour élire un président? Je propose que nous commencions les discussions sur les sujets essentiels, à savoir l’élection présidentielle, puis les législatives », a-t-il dit. Le chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, a pour sa part souligné que « la priorité est à l’élection d’un président ». Il a en outre estimé que ces sujets sont abordés « parce que nous avons laissé tomber les règles essentielles et que nous nous sommes perdus dans les dédales ».
Le ministre des Télécoms, Boutros Harb, a exprimé également sa perplexité face aux propositions du président de la Chambre. « La solution avancée par M. Berry pour sortir de la crise actuelle consiste à régler le problème de la loi électorale, sachant que personne n’a envie de prolonger le mandat du Parlement une deuxième fois, juste parce qu’il y a des dissensions sur cette loi-là. Mais comment organiser des élections législatives en l’absence d’un président de la République ? » s’est-il demandé.
Le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, a considéré pour sa part que « tout le monde est pour la loi proportionnelle. Le sujet essentiel est celui de l’élection présidentielle mais, comme le dit M. Berry, il faut être ouvert aux idées avancées et faut modifier la loi de 1960 », a-t-il dit.
Du côté des politiques qui soutiennent l’initiative de M. Berry, le député du Parti socialiste progressiste, Ghazi Aridi, a qualifié les propositions du président de la Chambre de « très réalistes, au moment où tout le monde a échoué. Nous avons toujours été pour le package deal et nous essayons d’arriver à une loi électorale, mais nous avons échoué. Il se peut que nous ne puissions pas résoudre tous ces problèmes dans les mois à venir. Que ferons-nous alors lorsque, dans quelques mois, le mandat du Parlement touchera à sa fin, sachant que personne ne veut prolonger ce mandat ? » s’est-il demandé.
Le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a également exprimé son appui à M. Berry, « afin de sortir de la crise ». Il a ensuite souligné que « la loi de 1960 a été utilisée une seule fois. La solution consiste à mettre en place une loi électorale juste ».