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Vilain mensonge

 

 

Le leader historique de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), feu Yasser Arafat, était connu pour son franc-parler. À un journaliste (occidental) qui lui demandait un jour, candidement, s’il lui arrivait de « mentir » dans sa vie politique, il répondit sur un ton mi-ironique, mi-amusé : « Cher monsieur, je tue pour défendre ma cause. »
La position naïve – du moins en apparence – de nombre de responsables officiels, d’observateurs et de journalistes occidentaux à l’égard des pratiques politiques de Bachar el-Assad, et de son sort, est un problème récurrent dont les effets ont souvent été désastreux pour les Libanais et les Syriens libres. La dernière en date d’une telle attitude naïve est apparue il y a quelques jours lorsqu’une source diplomatique européenne a fait état de « forts indices » dont il ressort que le régime syrien a « menti » au sujet de son stock de gaz sarin qui aurait dû être détruit ou remis dans sa totalité à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), conformément à un accord américano-russe conclu en ce sens en septembre 2013, pour éviter, à l’époque, des frappes contre les forces pro-Assad. Un communiqué de l’Union européenne publié à la fin de la semaine dernière souligne en outre que l’UE est « particulièrement préoccupée » par le fait que « la Syrie pourrait détenir encore des armes chimiques ou des agents chimiques non déclarés ».
Près d’un an et demi après l’accord de septembre 2013, des responsables européens découvrent ainsi, en affichant publiquement une stupéfaction à peine voilée, que Bachar el-Assad a « menti » au sujet du dossier des armes chimiques. Que des responsables occidentaux aient fait montre au départ d’une naïveté aussi déconcertante est difficilement concevable pour un observateur oriental averti qui a connu de très près pendant de nombreuses années – et qui a surtout subi – le comportement du régime syrien, passé maître dans la mauvaise foi effrontée, érigée en politique d’État. Est-il réellement possible que certains dirigeants occidentaux, notamment au niveau de l’administration Obama, aient vraiment cru un seul instant que Bachar el-Assad allait remettre scrupuleusement tout son arsenal chimique aux inspecteurs internationaux alors qu’il ne recule devant rien pour s’accrocher à un pouvoir désormais chimérique, quitte à massacrer sa population civile et détruire ses villes ? Cette naïveté angélique affichée par certains dirigeants et responsables occidentaux ne cache-t-elle pas, en réalité, une tentative de justifier hypocritement une passivité impardonnable à l’égard des crimes contre l’humanité commis par le régime Assad ?
L’ONG Human Rights Watch a indiqué récemment que le régime syrien a utilisé du gaz toxique, plus précisément du chlore, à six reprises entre le 16 et le 31 mars, contre des secteurs tenus par l’opposition à Idleb. Quant au réseau syrien des droits de l’homme, il a fait état de 92 cas d’utilisation de gaz toxique par les forces d’Assad depuis la résolution 2118 du Conseil de sécurité du 27 septembre 2013 imposant à la Syrie de se débarrasser de son arsenal chimique. Mais c’était avant que des responsables occidentaux ne découvrent que le pouvoir encore en place sur les bords du Barada pouvait « mentir » !
Le plus grave dans cette affaire – et c’est là le point essentiel – est qu’en garantissant de la sorte, depuis fin 2013, l’impunité au tyran de Damas, l’administration Obama a contribué par ricochet à renforcer les courants jihadistes et radicaux – Hezbollah en tête –, provoquant par le fait même une dévastatrice montée aux extrêmes dont l’onde de choc ne saurait épargner les sociétés occidentales au cœur même de l’Europe et des États-Unis. La terre n’est-elle pas devenue en effet – mondialisation oblige – un village en pleine tourmente, aussi grand soit-il ?