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Zeaïter et Bou Faour « horrifiés » par les entrepôts de l’AIB : « Pire qu’un dépotoir »

 

Hygiène alimentaire

La date d’expiration de certains produits remonte à… 1995, constatent les deux ministres qui promettent de déférer les responsables devant
les tribunaux.

« Ce que nous avons vu est dégoûtant ! C’est une véritable porcherie. » Tel est le constat fait par les ministres Waël Bou Faour et Ghazi Zeaïter au terme d’une visite aux entrepôts alimentaires de l’aéroport.
Il s’agit sans doute de la première visite de responsables libanais aux dépôts frigorifiques et entrepôts alimentaires de l’aéroport. C’est là où des aliments et des médicaments de tout genre sont entreposés avant d’être soit exportés, soit, s’ils sont importés, distribués sur le marché, puis vendus aux consommateurs qui, s’il faut croire Ghazi Zeaïter, sont ainsi en train d’acheter des « ordures ».

Dans le cadre de leur campagne pour l’hygiène alimentaire, les ministres de la Santé et des Travaux publics ont effectué une tournée dans les centres d’entreposage de l’aéroport international, avant de tenir une conférence de presse pour communiquer leurs observations à l’opinion publique. Cette tournée, a précisé M. Bou Faour à la presse, fait suite aux rapports « horrifiants » établis par les contrôleurs de son département sur l’état des lieux.
La tournée d’hier a laissé des séquelles physiques sur le ministre de la Santé, qui avait pourtant « survécu » à sa visite dans les abattoirs de Beyrouth, fermés depuis pour cause d’insalubrité. « J’ai une migraine terrible à cause de l’odeur nauséabonde dans les entrepôts. C’est intolérable. Je me demande comment les employés peuvent travailler dans un endroit pareil », a-t-il lancé.

Le vocabulaire que les deux ministres ont employé pour décrire leurs observations témoigne de l’horreur qu’ils ont vue. Voici textuellement ce que Ghazi Zeaïter a dit : « Ce que nous avons vu est répugnant à cause de la saleté et des odeurs. Certains produits sont périmés depuis trois ou quatre ans, notamment du poisson ! L’état des dépôts frigorifiques est épouvantable, horrible et inacceptable. Il présente un véritable danger pour la santé des individus. Ce bâtiment a besoin d’un réaménagement sérieux. Ces dépôts ressemblent davantage à des chambres d’exécution. »

« J’ai été interpellé par une pancarte accrochée sur l’escalier menant aux entrepôts et sur laquelle il est écrit : ” Prière de préserver la propreté des lieux. ” Compte tenu de ce que nous avons pu voir, j’ai trouvé plus correct de la retirer jusqu’à ce que les lieux deviennent salubres. Il faut que tout soit nettoyé pour que l’endroit soit convenable pour l’entreposage de médicaments et d’aliments, qu’ils soient destinés à l’exportation ou à l’importation », a-t-il affirmé. Et de poursuivre : « Il faut que tous assument leurs responsabilités. Nous allons prendre les décisions qu’il faut au plan administratif et en ce qui concerne le bâtiment, les conteneurs frigorifiques, les exportateurs et les importateurs. »

Du beurre dans des bennes à ordures
« Plus nous nous enfonçons dans le dossier de l’hygiène alimentaire, plus nous réalisons que nous vivons sur une montagne de corruption, de négligence et d’irresponsabilité dans les administrations et les institutions publiques et privées », a observé à son tour le ministre Bou Faour. « Certaines marchandises entreposées doivent être détruites mais sont disséminées ici et là. Les médicaments sont mélangés aux produits alimentaires. Le sol est sale. Certaines denrées ne sont même pas dans les frigos, comme le beurre qu’on a vu dans des bennes à ordures », a-t-il raconté.
« L’odeur est nauséabonde, épouvantable. C’est comme si nous étions dans un dépotoir, non dans un entrepôt alimentaire », a poursuivi le ministre qui a pourtant indiqué que « la situation s’est améliorée de 70 % dans cet endroit depuis vendredi », date à laquelle les contrôleurs de son département ont visité les lieux. On imagine ce que ça devait être avant !
« Je souffre d’une migraine terrible à cause de l’odeur dans les entrepôts. C’est intolérable. Comment les employés peuvent-ils y travailler », s’est-il exclamé, avant de poursuivre : « Ceci est une porcherie, pas un entrepôt. Le ministre Zeaïter avait raison de qualifier les lieux de ” chambre d’exécution de la santé des Libanais “. »

Le ministre, qui a donné lecture à de larges passages du rapport de l’équipe de contrôleurs, a annoncé qu’il ne peut pas se conformer à leurs recommandations relatives à l’envoi de lettres à qui de droit (la compagnie LBACC chargée de l’approvisionnement de l’aéroport, la direction des douanes, la compagnie MEAS chargée de l’entretien, la MEA, la direction des douanes) pour leur demander de prendre les mesures qui s’imposent afin de réhabiliter les lieux. « Je vais ordonner la saisie de tous les médicaments et des produits alimentaires à l’aéroport. Je ne permettrai pas qu’ils entrent au Liban parce qu’il n’est pas permis qu’ils soient placés dans des conditions aussi lamentables, à côté du poisson et de la viande, dans des frigos dont la température est élevée et qui ne répondent pas aux normes requises », a-t-il asséné.

Un refuge pour les rats
Selon le rapport lu par le ministre, non seulement les bâtiments sont sales et insalubres mais les produits destinés à la consommation ne sont pas préservés convenablement. « Des boîtes de purée d’aubergine (baba ghannouj) qui doivent être préservées à une température variant entre 2° et 4° ne sont pas placées au frigo. Le secteur destiné à la réception et la livraison des marchandises est un refuge pour les rats, avec des produits dont la date d’expiration remonte à 1995. La température des frigos destinés aux médicaments est trop élevée et ne correspond pas aux normes requises. Elle est de 11° alors qu’elle devrait se situer dans une fourchette allant de 0° à 4° seulement, sans compter que les boîtes sont jetées n’importe comment. (…) Au sous-sol, des produits périmés qui doivent être détruits sont jetés n’importe comment aux côtés d’autres destinés à la consommation. Des relents pestilentiels se dégagent du secteur allant de l’aile réservée à la poste à celle des douanes, utilisé comme substitut aux toilettes. Cinq frigos et un congélateur ne répondent pas aux normes requises et leurs portes ne ferment pas correctement alors que des aliments doivent y être entreposés. La température du congélateur est de 9° alors qu’elle devrait être de -18° », dit-il.

Et ce n’est pas tout : « Le poisson côtoie la viande, les médicaments et les ordures avec des bennes à ciel ouvert, avec des produits dont la durée de vie est de six mois et dont la date de production remonte au 10 décembre 2011. De la viande australienne supposée être de qualité est déposée près des ordures. Est-ce normal ? Je ne peux pas assumer la responsabilité des produits pharmaceutiques qui vont entrer sur le marché », a affirmé M. Bou Faour.
C’est sur la base de ces observations que le ministre a décidé de fermer les lieux, de saisir tous les produits « valables et avariés, de peur des risques de contamination » et de trouver un dépôt de substitut en attendant une réhabilitation de l’endroit.

Waël Bou Faour a annoncé qu’il envisage de déférer devant la justice toutes les parties responsables de cette horreur. « Il faut que ce dossier aille au- devant de la justice et déférer tous les responsables, qu’ils relèvent du secteur public ou privé, devant les tribunaux », a-t-il asséné, avant de conclure : « Permettez-moi de dire que la place de certaines personnes est la prison, ni dans les administrations officielles ni dans les établissements privés. La prison est leur lieu naturel. »