IMLebanon

Zghorta-Bécharré-Koura-Batroun : Un avant-goût de présidentielle ?

 

L’alliance, « strictement électorale », entre Boutros Harb et les Marada semble définitive. FL et CPL évoluent jusqu’ici en solo.

Yara ABI AKL

 

On est en droit de s’attendre à une bataille « chaude », et particulièrement importante dans la circonscription à dominante chrétienne du Liban-Nord : Zghorta-Bécharré-Koura-Batroun. Et pour cause : c’est essentiellement dans cette circonscription que se décidera l’avenir du leadership chrétien, voire même le profil du prochain président de la République. D’autant que plusieurs candidats potentiels à la première magistrature de l’État mènent la bataille pour les dix sièges concernés.

Ceux-ci sont répartis comme suit : deux sièges maronites au Batroun (sortants : Antoine Zahra et Boutros Harb), deux maronites à Bécharré (Sethrida Geagea et Élie Keyrouz), trois grecs-orthodoxes au Koura (Farid Makari, Fady Karam et Nicolas Ghosn), et trois maronites à Zghorta (Sleiman Frangié, Salim Karam et Estéphan Doueihy).

Les grandes formations chrétiennes, ainsi que des notables indépendants de taille présidentielle, se disputeront les dix sièges. Il s’agit, bien entendu, du Courant patriotique libre, des Forces libanaises, des Kataëb, des Marada et du Parti syrien national social. Il y a aussi Boutros Harb, actuel député du Batroun, Michel Moawad, chef du Mouvement de l’indépendance et fils de l’ancien chef d’État, René Moawad, entre autres. Cela fait dire à certains observateurs que la bataille de la présidentielle 2022 se jouera dans les urnes du Liban-Nord, et le scrutin de mai sera celui de la détermination des poids politiques de chacune des composantes chrétiennes.

À ce tableau s’invite aussi le courant du Futur, qui dispose d’un réservoir électoral conséquent dans cette circonscription, faisant de lui un électeur décisif.

Conscients de la complexité des enjeux, les protagonistes semblent temporiser au sujet de leurs alliances, même s’ils déterminent progressivement leurs candidats, conformément à la nouvelle loi électorale.

Les regards sont d’abord braqués sur le chef du CPL, Gebran Bassil, candidat malheureux aux législatives de 2005 et de 2009 au Batroun. Si la candidature de M. Bassil semble aujourd’hui assurée, ses proches affirment à L’Orient-Le Jour que le CPL mène actuellement des négociations avec « tous les partis politiques ». Il annoncera toutes les nouvelles donnes en temps voulu, ajoute-t-on dans les mêmes milieux.

De nombreux observateurs s’attendaient à un rapprochement électoral entre les FL et le CPL, dans la mesure où les deux partis jouissent d’un poids populaire important dans cette circonscription. Mais Meerab ne semble pas prendre cette orientation. Les FL se sont ainsi empressées d’annoncer la candidature de Fady Saad, ancien secrétaire général du parti, à l’un des deux sièges maronites du Batroun. Une décision interprétée comme un indice de l’impossibilité de mener la bataille aux côtés de M. Bassil.

Expliquant le positionnement électoral de sa formation dans la circonscription, Fady Karam, député FL du Koura qui brigue un second mandat, insiste sur le rôle déterminant du nouveau code électoral dans la définition des alliances. « Il nous importe de pouvoir obtenir le seuil d’éligibilité dans la circonscription », souligne-t-il à L’OLJ, notant que « rien n’est encore définitif au sujet des alliances ». S’il fait lui aussi état de négociations en cours avec tous les protagonistes, M. Karam assure qu’il n’est pas question, pour les FL, de se joindre au PSNS (dont deux membres sont condamnés à mort pour avoir assassiné l’ancien président de la République Bachir Gemayel, fondateur des FL). Il estime, par ailleurs, que Meerab ne rejoindra pas la liste aouniste, encore moins celle des Marada, surtout si ceux-ci s’allient au PSNS.

À une question portant sur les candidats FL, M. Karam déclare qu’il s’agit, outre lui-même, de : Sethrida Geagea et Joseph Ishak (pour Bécharré, le second remplaçant Élie Keyrouz), et Fady Saad au Batroun (il remplacerait Antoine Zahra).

De même, les milieux proches de Sleiman Frangié excluent une alliance avec le parti de Samir Geagea, en dépit des efforts déployés ces derniers mois pour normaliser les rapports entre les deux formations. Un cadre Marada assure, en outre, à L’OLJ que l’alliance entre son parti et Boutros Harb est « définitive ». Il indique aussi que le PSNS pourrait bien s’y joindre, notant que les rapports sont totalement rompus avec le CPL, et que la question d’une alliance électorale avec celui-ci « ne se pose pas ». On rappelle que, sur ce plan, dans sa dernière interview accordée à la LBCI, Sleiman Frangié a ouvertement qualifié Gebran Bassil d’«antipathique ».

Pour ce qui est des candidatures, le cadre Marada indique qu’il s’agit, pour l’heure, de : Tony Sleiman Frangié, Salim Karam et Estéphan Doueihy (Zghorta), William Tok (fils de l’ancien député Gebran Tok, Bécharré), Salim Saadé (PSNS, Koura), et Boutros Harb (Batroun).

  1. Harb, quant à lui, confirme à L’OLJ son alliance avec les Marada, même si ce choix le conduirait à mener la bataille sans les Kataëb, avec lesquels il converge sur les principes souverainistes, ainsi que sur l’opposition à la ligne politique actuelle. Le député reconnaît, d’ailleurs, que la nouvelle législation exige, dans certains cas, des alliances « strictement électorales », même si les parties concernées appartiennent à des bords politiques différents. « Le nouveau système a anéanti les rapprochements axés sur des principes politiques », dit-il, notant qu’il « souhaitait mener la bataille aux côtés des Kataëb et des FL ». Critiquant M. Bassil, M. Harb s’est indigné du fait que « certains mettent l’État et toutes ses administrations au service de leurs intérêts électoraux ».

 

Les Kataëb à la peine

Du côté de Saïfi, l’alliance Harb-Marada semble avoir mis fin aux espoirs d’un éventuel rapprochement avec le député de Tannourine, et cela surtout si le PSNS s’y joint. Après avoir nommé Samer Saadé (député sortant de Tripoli) pour l’un des deux sièges du Batroun, le parti de Samy Gemayel semble déterminé à se lancer dans la compétition sous le label de l’opposition afin de « présenter aux gens un nouveau choix politique », pour reprendre les termes d’un proche de M. Gemayel contacté par L’OLJ, qui insiste sur le fait que « le flou entoure toujours les alliances ». Concernant le dialogue avec les FL, le proche de Saïfi souligne que « les Kataëb attendent toujours des réponses politiques de Meerab ». Une allusion à peine voilée à une éventuelle démission des FL du cabinet Hariri.

Enfin, pour ce qui est du courant du Futur, ses choix pourraient influencer les résultats, à commencer par le sort de M. Bassil lui-même. Interrogé par L’OLJ, un responsable du parti haririen, Moustapha Allouche, indique que sa formation n’a pas fait jusqu’ici de choix définitifs. « Mais il serait dans l’intérêt de l’accord de 2016 (qui a ouvert la voie à la présidence Aoun) de s’allier aux aounistes », lance-t-il.

  1. Allouche annonce que le vice-président de la Chambre, Farid Makari, issu des rangs du Futur, ne compte pas se représenter. Il pourrait lui-même désigner son successeur. « Mais si ce candidat n’est pas très marqué au sein de la formation haririenne, l’électorat sunnite de la circonscription pourra se diviser », souligne-t-il.